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amitié, qui chez nous était faite de tant d’atomes crochus et aimants…

Je vous embrasse.

Edmond de Goncourt.

Et Paul de Saint-Victor répondit :

Ce 6 juillet.
Mon cher ami,

Merci deux fois pour votre bonne lettre et pour celle que vous envoyez à ma chère petite. Vous parlez de notre amitié, croyez bien que la mienne n’était que rentrée au fond de mon cœur, et j’ai senti, au contre-coup de votre perte, combien elle était vive et intime. Depuis, la pensée de ce que vous souffrez est, pour moi, une sollicitude continuelle. Je ne vous dirai pas de vous consoler mais de vous rattacher à la vie par l’amitié et par le travail. Que cette douleur soit une blessure, hélas ! trop souvent rouverte et saignante, mais qu’elle ne soit pas un épuisement et une consomption de l’âme. Vous avez ici des sympathies et des affections d’une sincérité vraiment rare. J’ai pu en juger par tout ce que j’entends dire autour de moi depuis ces quinze jours. Jamais deuil na été plus cordialement senti et partagé que le vôtre. Revenez donc, mon cher Edmond, sinon guéri, au moins fortifié.

Claire[1] a été touchée beaucoup plus vivement que je ne l’aurais attendu de son âge. Tout le dimanche suivant que j’ai passé avec elle, elle n’a pas cessé de me parler de lui et de vous. Je vous envoie son baiser d’enfant.

Je vous embrasse et je suis à vous de tout cœur.

Paul de Saint-Victor.

Bien d’autres témoignages d’intérêt et d’amitié, signés des noms les plus hauts de la littérature et de l’art, ont été pieusement réunis dans un nécrologe qu’a relié Lortie et qui porte, encastré dans le plat de sa couverture, un profil d’or sombre, en émail, ouvrage admirable de M. Claudius Popelin. On lisait au revers

  1. La fille de H. P. de Saint-Victor, aujourd’hui Madame Maxime Dreyfus, est la filleule de M. Edmond de Goncourt.