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M. Émile Zola provoqua des confidences qui ferment naturellement le chapitre consacré à la mort de Jules. La lettre de M. É. Zola est inédite ; la réponse a déjà été publiée dans le Figaro, le 15 mars 1881.

Paris, 27 juin 1870.

Je tiens encore à vous dire combien votre frère avait des amis inconnus et je serais allé vous le dire, de vive voix, si je n’avais la religion de la souffrance.

Il est mort, n’est-ce pas, beaucoup de l’indifférence du public, du silence qui accueillait ses œuvres les plus vécues. L’art l’a tué. Quand je lus Madame Gervaisais, je sentis bien qu’il y avait comme un râle de mourant dans cette histoire ardente et mystique ; et quand je vis l’attitude étonnée et effrayée du public en face du livre, je me dis que l’artiste en mourrait. Il était de ceux-là que la sottise frappe au cœur.

Eh bien ! s’il s’en est allé découragé, doutant de lui, je voudrais pouvoir lui crier, maintenant, que sa mort a désespéré toute une foule de jeunes intelligences. Ah ! j’aurais voulu que vous fussiez là lorsque j’ai annoncé l’affreuse nouvelle à mes amis, à ceux qui ont mon âge, qui l’aimaient et l’admiraient de loin. Vous avez toute la jeunesse, entendez-vous, tout l’art de demain, tous ceux qui vivent de la vie nerveuse du siècle. « Jules de Goncourt est mort ! » et j’ai vu des larmes monter aux yeux ; j’ai mis, par ces paroles, beaucoup de tristesse autour de moi. Il n’est pas mort tout entier, et vous, vous ne restez pas seul. Voilà ce que je tenais à vous écrire.

Je veux donner un dernier adieu à votre frère dans quelque journal, mais j’attends. Je désire ne pas me trouver mêlé à la foule des chroniqueurs.

Votre ami,
Émile Zola.

    Banville (Gaulois), — Paul de Saint-Victor (Liberté), — Ch. Yriarte (Moniteur universel), — J. Levallois (Opinion nationale), — E. Maillard (Presse), — Nefftzer (Temps), — Ch. Monselet (Monde illustré), — Jouvin (Figaro), — Duchemin (Peuple français), — Ph. Burty (Chronique des Arts).

    En tête du volume a été placé le portrait gravé à l’eau-forte par Rajon.