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pour Paris la menace d’un siège, les justes inquiétudes pour les richesses d’art qu’il avait laborieusement accumulées vinrent s’ajouter à la tristesse d’Edmond et aux douleurs patriotiques dont tous les Français étaient frappés ensemble. Gustave Flaubert, du Croisset, lui écrivait alors :

Mon cher Edmond,

Si je ne vous ai pas écrit depuis longtemps, c’est que je vous croyais d’abord en Champagne, puis je ne sais où, depuis la guerre.

Quel renfoncement, hein ? Mais nous allons nous relever, il me semble.

Je ne fais rien du tout. J’attends des nouvelles et je me ronge, je me dévore d’impatience. Ce qui m’exaspère, c’est la stupidité des autorités locales !

Mes pauvres parents de Nogent nous sont arrivés ici, et mon toit abrite maintenant seize personnes.

Je me suis engagé comme infirmier à l’Hôtel-Dieu de Rouen, en attendant que j’aille défendre Lutèce, si on en fait le siège (ce que je ne crois pas).

J’ai une envie, un prurit de me battre. Est-ce le sang de mes aïeux les Natchez qui reparaît ?… Ah ! bien heureux ceux que nous pleurons, mon pauvre ami !

Dès que tout sera fini, il faudra que vous veniez chez moi. Il me semble que nous avons bien des choses à nous dire ? et puis je suis si seul ! — Et vous donc !

Si vous le voulez, écrivez-moi et donnez-moi des nouvelles de vous et du reste.

Je vous embrasse très fort,
Gustave Flaubert.

Alors, dans les apprêts du siège, Paris prit une physionomie nouvelle et inattendue. Tout homme valide se fit soldat et la grande ville, comme une fourmilière inquiétée, fut enfiévrée par une activité singulière. L’étrangeté du spectacle auquel assistait Edmond de Goncourt lui fit rouvrir le cahier fermé depuis la mort de Jules, et il revint à l’habitude de fixer à la hâte,