Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/258

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point formée, pas encore épanouie, qu’elle ne peut montrer que les germes, que les ombres des sentiments, des instincts, des passions, des vertus ou des vices qui se développeront quand elle sera femme… Comment découvrir les délicates sensations que la jeune fille elle-même méconnaît encore, qu’elle ne peut ni expliquer, ni comprendre, ni analyser et qu’elle oubliera presque entièrement lorsqu’elle sera devenue une femme ?… Car la femme, après l’amour, est aussi différente de la fillette de la veille que la fleur diffère de la graine d’où elle est sortie… Écrire la vie d’une jeune fille jusqu’au mariage, c’est raconter l’histoire d’un être jusqu’au jour où il existe réellement. C’est vouloir préciser ce qui est indécis, rendre clair ce qui est obscur, entreprendre une œuvre de déblaiement pour l’interrompre quand elle va devenir aisée. Que reste-t-il de la jeune fille dans la femme, cinq ans après ? — Si peu qu’on ne le reconnaît plus. »[1]

Mme Alphonse Daudet envoya à M. de Goncourt sa contribution d’impressions lointaines et de souvenirs. Elle compléta pour son ami, les confidences déjà publiées dans l’Enfance d’une Parisienne et Ce qu’on voit à travers un voile de mousseline blanche. La lettre écrite en avril 1883, renfermait sans doute une forte bouffée de printemps puisqu’elle mérita cette réponse :

Chère Madame,

Votre lettre est bien, bien gentille et elle m’a été au cœur, surtout dans ce moment où le renouveau de la nature me rend triste à pleurer. Oui ! chers amis, puisque vous voulez toujours bien de moi, j’irai dîner chez vous jeudi et, le soir, nous ornerons le salon de Zola.

J’ai reçu une amusante lettre de Russie, d’une… fanatique

  1. Le Gaulois, 27 avril 1884.