Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/275

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toile éclatante de soleil, donnant bien la sensation brûlante de la route blanche de Brindisi à Naples, fut hanté dès sa jeunesse par une préoccupation incessante de modernité. Il était un chercheur d’effets nouveaux et de formes rares, un fureteur d’idées et, avec un sentiment vraiment pénétrant, il a été un impressionniste sachant dessiner et peindre.

Dès qu’il connut M. Edmond de Goncourt, il se mit à nager dans son sillage ; il attrapait au vol ses idées et, après, il les refaisait voler, pour son compte, avec une finesse d’assimilation, une vivacité et un brio de Napolitain. Je me rappelle une fin de soirée, rue Tourlaque, chez Mme Henri Gréville où Nittis fut éblouissant de goncourisme[1]. Il avait surtout pris à son modèle l’horreur pour les poètes et il est vraisemblable qu’il se disait mathématicien parce que Gavarni se piquait de mathématiques et avait été l’ami des Goncourt !

Nittis n’avait pas de l’Italien du sud — si différent du Piémontais et du Romain — le geste fréquent et désordonné ; il l’avait serré et brusque. Toute sa puissance de concentration s’était logée dans l’œil qu’il avait fort expressif et qu’il clignait, comme devant un tableau, aussitôt que son attention était accrochée. Il était devenu homme du monde et, par ses pastels de high life, maître des élégances. Il est mort à Saint-Germain, le 18 août 1884.

Mme de Nittis s’empressa de télégraphier à M. Edmond de Goncourt l’annonce du malheur qui la frappait. Le corps fut rapporté à Paris et M. de Goncourt assista à toutes les cérémonies funèbres, même aux détails macabres de l’embaumement. Et, sous le coup

  1. C’est goncourtisme qu’il faudrait dire ; mais goncourisme semble prévaloir.