Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/294

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Leur goût de l’exotisme croissait avec leurs trouvailles ; quelques curieux se mettaient à chasser sur leur piste ; les envois du Japon se multipliaient. Alors, lentement, comme un éveil, commençait cette révolution suggestive pour la peinture française qui a donné l’audace des tons clairs et de la vraie lumière, et mis au rancart, au moins pour un temps, les tonalités sirupeuses et les glacis timides de la vieille école.

Et l’histoire de l’art japonais se découvrit peu à peu. On arriva à déchiffrer les légendes et les signatures. Des œuvres et des noms de très grands artistes surgirent ; les différentes séries d’objets se complétèrent et furent décrites dans un ordre rationnel, les procédés de fabrication furent étudiés, et M. Edmond de Goncourt put faire, sur la fabrication des bronzes, ces remarques curieuses : « Les bronzes japonais comparés aux vieux bronzes chinois sont d’une matière moins sérieuse, moins profondément belle, moins savamment amalgamée. Un bronze japonais, vous arrive-t-il de le casser ? vous vous trouvez très souvent en présence d’un alliage d’étain et de plomb qui n’est pas véritablement du bronze. C’est un amalgame fait beaucoup à la diable et un peu d’instinct… Mais à ce bronze défectueux, non compact, non dense, les Japonais mettent de si séduisantes enveloppes et l’habillent de patines si charmantes !… Puis, les Japonais ont une plus grande et une plus riche imagination des formes : ils vous enchantent dans l’architecture et la conjonction des lignes d’un vase, par un imprévu, un renouveau, une fantaisie que n’ont pas les Chinois. Enfin, peut-être même la prédominance du plomb et de l’étain dans le bronze japonais donne à ce bronze une souplesse, un flou, un gras, en fait un métal dont la dureté n’a rien à l’œil du cassant européen, et semble