Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/325

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distribué Germinie Lacerteux en tableaux, mais en tableaux, non à l’imitation des actes, ainsi qu’on a l’habitude de le faire, en tableaux donnant un morceau de l’action dans toute sa brièveté : fût-il composé de trois scènes, de deux scènes, même d’une seule et unique scène. Et cette distribution a été faite dans l’idée que la pièce serait jouée sur un théâtre machiné à l’anglaise, avec des changements à vue sans entr’actes, ou tout au moins avec des baissers de rideaux très courts, et aussi avec l’espoir, au milieu de la pièce, d’un repos, d’un grand entr’acte d’une demi-heure, à la façon des concerts, des cirques et des trilogies de Wagner. »

Donc, le 18 décembre 1888, Germinie Lacerteux, pièce en dix tableaux, fut donnée à l’Odéon. Le prologue qu’on trouvera dans la brochure, et qui était de première importance pour l’intelligence de l’œuvre et le tableau du Bois de Vincennes où apparaît si drôlement Gautruche, furent supprimés à la représentation, sur les instances du directeur de l’Odéon.

M. Porel avait trouvé, pour créer Germinie au théâtre, une artiste qui sut donner un relief saisissant aux côtés principaux du rôle. Mlle Réjane, renonçant un instant aux élégances du Vaudeville et du Gymnase, fut empoignée par ce rôle morbide, incarnant un être mû par l’instinct, irresponsable et déprimé, dont l’âme, douce et obscure, se débat dans un corps passionné. Surtout aux représentations qui suivirent la première, quand la conscience de son succès personnel eut apaisé ses nerfs, l’artiste fut d’un tragique sobre. Ses gestes violents et courts dans les moments de crises, donnaient du feu de l’hystérie qui brûlait en elle, une indication lumineuse. Les complications du caractère de Germinie, l’attachement canin pour sa maîtresse