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La veille de la première représentation, M. de Goncourt avait dû livrer un premier combat contre les censeurs. Leur modestie s’était effarouchée non pas d’idées mais de mots que l’auteur jugeait tout naturellement habituels à la servante et au bas populaire qu’il mettait en scène. L’auteur et le directeur du théâtre avaient dû combattre pas à pas pour laisser à la pièce ce qu’ils croyaient être ses caractéristiques.

Ici commence l’épilogue officiel de Germinie.

Sous le coup de l’énervement causé par l’échenillage tatillon des censeurs, M. de Goncourt, sans grand espoir qu’il trouverait de l’écho, adressa à la Chambre des députés une pétition demandant la suppression de la censure[1] :

Messieurs les représentants,

Il y a quelque temps, un journal m’a fait l’honneur de me demander mon opinion sur la censure. J’ai répondu à ce journal qu’à mon sens, la censure était un vieux débris oublié de l’ancienne monarchie, une institution moyenâgeuse — aurait dit Théophile Gautier — et toute déplacée dans un régime de liberté de la parole et de l’imprimé, et je citais quelques suppressions maladroites de la censure, conservées dans la Revue rétrospective et autres recueils. Mais, messieurs, je ne parlais là que de la censure de la Restauration, de la censure de Louis-Philippe, de la censure de Napoléon III. Je ne me doutais pas de ce qu’était la censure de la République en 1888, et je ne pouvais supposer qu’à la veille de l’anniversaire de 89, un directeur de théâtre aurait à combattre, un quart d’heure, pour faire rétablir dans le texte de son auteur : Je suis prête d’accoucher, — phrase que tout curieux de l’histoire littéraire de son temps peut lire, sur le manuscrit conservé au ministère de l’Intérieur, soulignée de l’homicide crayon bleu.

Suivent les mots incriminés que les censeurs, du

  1. Ce document a été tiré à part et, sous le titre de seconde Préface, doit être joint à la brochure publiée par la librairie Charpentier.