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plus haut appartiennent à ce livre dont il faut espérer — malgré notre impatience légitime — que beaucoup plus de vingt ans nous séparent. M. de Goncourt a récompensé notre admiration pour son œuvre, notre respectueuse sympathie pour sa personne par ce lambeau royal de son œuvre posthume.

Le temps est venu de parler ici d’une publication formée seulement des morceaux du Journal que leur caractère général ou abstrait avait permis d’isoler des détails personnels et des croquis sur le vif. Idées et Sensations qui avaient été publiées en volume vers 1866, ont repris leur place dans l’ensemble.[1]

Pourtant, tel qu’il est apparu aux lecteurs d’élite, ce recueil conservera une physionomie qui lui est propre : mélange étrange de pyrotechnie littéraire, d’esprit à facettes et d’observation sagace, ce livre, d’un réalisme épique, où s’amalgament l’épice et le parfum, n’en est pas moins une des productions les plus curieuses de la littérature contemporaine. Suivant son humeur, on en peut dire beaucoup de mal et beaucoup de bien, mais on y revient souvent, comme à un breuvage dangereux mais exquis ou à une volupté douloureuse.

Le duc de Luynes, dans ses Mémoires, disait de Saint-Simon : « Il exprimoit fortement ses sentiments dans la conversation et écrivoit de même ; il se servoit de termes propres à ce qu’il vouloit dire, sans s’embarrasser s’ils étoient bien françois. » N’est-ce pas là aussi la

  1. Là se trouve la boutade blasphématoire : « L’antiquité a peut-être été faite pour être le pain des professeurs ! » Sainte-Beuve et Paul de Saint-Victor s’en montrèrent vivement offensés et, quoique tous deux l’aient relevée vertement, ils s’en sont souvenus jusqu’à leur mort.