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et arrivèrent à Paris le 17. Ils s’installèrent rue Saint-Georges, 43, dans un rez-de-chaussée obscur. Ils l’échangèrent bientôt contre un troisième étage clair qu’ils devaient occuper pendant vingt ans dans la même maison. Là, pendant tout l’hiver, ils travaillèrent avec ardeur à leur besogne de peintre, passant dix ou douze heures par jour devant leurs planches.

Le printemps suivant les remit en route. Septembre 1850, après un voyage en Suisse et en Belgique, les trouva installés à Sainte-Adresse. L’automne les ramena à Paris et c’est alors qu’ils furent surpris par leur premier accès de fièvre littéraire : « Sur une grande table à modèle, aux deux bouts de laquelle, du matin à la tombée du jour, mon frère et moi faisions de l’aquarelle, dans un obscur entresol de la rue Saint-Georges, un soir d’automne de l’année 1850, en ces heures où la lumière de la lampe met fin aux lavis de couleurs, poussés je ne sais par quelle inspiration, nous nous mettions à écrire un vaudeville, avec un pinceau trempé dans de l’encre de Chine. »

La vie du vaudeville Sans titre fut courte et obscure. Les auteurs, en quête d’un parrain, portèrent le nouveau-né à un certain Sainville, comique important du Palais-Royal. Il se laissa lire le manuscrit, fit grise mine, finit par proposer un collaborateur de sa main qui trufferait le dialogue des couplets indispensables. Ce ne fut pas l’avis des auteurs ; ils remercièrent, reficelèrent leur rouleau d’écriture et il n’en fut plus question.

L’année suivante, un vaudeville qui avait pour titre le Bourreau des crânes eut quelque succès aux Variétés. Il se trouva que cette pièce et celle des Goncourt commençaient mêmement par une prise de bec dans la salle et par un échange de claques. C’était là le clou de Sans titre. Cette analogie fortuite causa sa perte. Il