Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/69

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’époque, des livres, des brochures, des canards, des chansons, des journaux innombrables qu’on trouvait nés, chaque matin, au temps de la Révolution, comme des champignons sur un terreau qui fermente. En 1854, on en était encore, touchant le plus grand événement de notre histoire, aux périodes splendides et sonores que Lamartine venait d’orchestrer sur les Girondins. L’éloquence du poète était égale à celle de ses héros et masquait l’indigence de leurs idées. Comme Tite-Live et Salluste, Lamartine avait fait de l’histoire une matière oratoire, une trame à métaphores, à idées générales. Michelet et Louis Blanc avaient quitté la terre pour voler, au gré de leurs passions et de leurs enthousiasmes, dans la sphère nébuleuse des abstractions et des chimères. L’histoire de la Révolution était donc gonflée d’éloquence, comme étaient gonflés d’air chaud les aérostats des frères Montgolfier autour desquels, même en pleine Terreur, les Parisiens dansaient la carmagnole. Le livre très sévère de Mignet, le seul alors qui fût vraiment de l’histoire et non pas un plaidoyer plus ou moins probant, passait pour un récit fort sec, pour un précis médullaire marquant seulement les têtes des idées et des événements que les autres historiens paraphrasaient en pleine liberté.

Il était vraiment utile d’établir une enquête sévère dans les dessous de cette pâture d’historiens-poètes et d’hommes d’État. Les Goncourt s’y mirent sans parti pris et, quoiqu’il fût bien difficile pour des écrivains novices dont le grand-père, membre de la Constituante, avait été mêlé assez activement aux événements de l’époque qu’ils racontaient, de demeurer impartiaux, ils l’ont été, et si bien qu’on peut parfois les accuser de sécheresse et d’impersonnalité. Ils semblent, témoins minutieux, aussi peu partisans du roi que de Mirabeau