Page:Denikine - La décomposition de l'armée et du pouvoir, 1922.djvu/315

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Tous les Comités de la 169ème division d’infanterie ont exprimé leur défiance au gouvernement et déclaré qu’attaquer l’ennemi « c’était trahir la révolution ».

La campagne entreprise contre l’autorité s’est manifestée par une série de révocations frappant les officiers supérieurs — les Comités y prirent presque toujours une part active. Quelques heures seulement avant le début des opérations, dans un secteur de la plus grande importance, un commandant de corps d’armée, un chef d’état-major et un chef de division ont dû se retirer. La même mesure frappa, au total, soixante chefs militaires, en commençant par les commandants de corps d’armée pour finir aux commandants de régiments.

II est difficile de calculer tout le mal qu’ont fait les comités. Ils n’ont pas de discipline intérieure. Quand la majorité a voté une mesure raisonnable — tout n’est pas fait. C’est à leurs membres de mettre en pratique la décision prise. Plus d’une fois, des bolcheviks ont abusé de leur titre de membres, pour semer, sans risque, le désordre et la révolte.

Au résumé, multiplicité des dirigeants, multiplicité des autorités. Au lieu de fortifier le pouvoir, on l’affaiblit. Et le chef militaire, placé sous tutelle, soumis au contrôle, nommé aujourd’hui, révoqué demain, diminué de toutes façons, avait dû conduire ses troupes au combat avec autorité, avec courage !…

Telle a été la préparation morale qui a précédé l’offensive. La concentration des troupes n’est pas achevée. La situation sur le front sud-ouest exigeait des secours immédiats. L’adversaire avait prélevé sur mon front trois ou quatre divisions pour les lancer contre le front sud-ouest : je décidai d’avancer avec les troupes restées fidèles, en apparence du moins, à leur devoir.

Pendant trois jours, notre artillerie avait détruit les tranchées ennemies, effectué d’effroyables bouleversements, causant aux Allemands de lourdes pertes. La voie était libre devant notre infanterie. Toute la première zone, ou presque, fut enfoncée. Nos lignes de tirailleurs arrivèrent aux batteries ennemies. Cette rupture du front aurait dû se transformer en une victoire éclatante — la victoire que nous attendions depuis si longtemps.

Mais… permettez-moi de vous citer quelques extraits des relations de la bataille :

« Les troupes de la 28ème division d’infanterie s’approchèrent de leurs tranchées de départ quatre heures seulement avant le déclenchement de l’attaque : d’ailleurs, seules, deux compagnies et demie du 109ème régiment y parvinrent, avec quatre mitrailleuses et trente officiers ; le 110ème arriva à ses positions réduit de moitié ; deux bataillons du 111ème, qui comblèrent les vides, refusèrent d’attaquer ; au 112ème, les soldats regagnèrent l’arrière par dizaines ([1]). Les

  1. Relation de l’état-major du front.