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BETTY PETITE FILLE


regagna la porte, il écrasait contre sa paume le billet de Betty.

Il remit incontinent la missive aux deux éphèbes qui faisaient les cent pas le long du trottoir.

À la lumière d’un réverbère, ils la lurent ensemble avec de grands éclats de rire moqueurs.

La gamine de son côté avait reconquis tout son calme, elle se désintéressait momentanément des jeunes gens, se disant qu’il serait assez tôt de s’en occuper le lendemain.

Sérieuse, le regard curieux, elle reprit son examen de la salle. Elle remarquait les femmes et avec un flair inconcevable mettait une situation sur les figures de chacune. Là c’était une « grue », là une « théâtreuse », plus loin une dame du monde.

Il y avait de tout dans ce caravansérail mondain, où l’on mangeait « de l’affreuse bidoche », dans des assiettes de porcelaine translucide.

Entre les tables, les garçons s’activaient, la semelle silencieuse, des gestes furtifs et précis.

Les conversations faisaient un petit bruit discret et confus.

Les peaux rouges de l’orchestre reprirent leur vacarme, jouant la romance nègre avec un sang-froid de vieux philosophes habitués à toutes les vicissitudes de l’existence.

Madame Cérisy mangeait avec élégance et buvait