Page:Des artistes, première série, 1885-1896, peintres et sculpteurs, 1922.djvu/104

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écoles, des instituts, et ils la protègent contre les personnalités géniales qui, de temps à autre, tentent de la rompre. Avec M. Claude Monet, nous sommes loin de la tradition. Une de ses grandes ? originalités, ce qu’on ne peut vraiment lui pardonner, c’est qu’il n’a été l’élève de personne. Il se trouve dans cette situation rare et bienheureuse de n’avoir pas d’état civil artistique. Aucun Cabanel ne le baptisa, aucun Bouguereau. Dans les livrets d’exposition et les catalogues de vente, il figure avec son nom seul, sans accolade d’aucun maître. Très jeune, il est vrai, il entra à l’atelier du père Gleyre, mais, quand il eut compris et vérifié l’étrange cuisine qu’on faisait là, il -s’empressa de fuir sans avoir déplié son carton ni ouvert sa boîte de couleurs. Il eut alors une idée de génie, mais fort irrévérencieuse, et par quoi, certainement, il vaut d’être devenu l’admirable peintre qu’il est : il ne copia aucun tableau du Louvre. Même il découvrit qu’il y avait, dans la natùre, des personnages, des arbres, des fleurs, de l’eau, de la lumière, et que cela vivait et que cela était beau, d’une beauté souveraine, sans cesse renouvelée, d’une toujours claire, fraîche et saine jeunesse et que cela valait tous les maîtres s’écaillant tristement, en leurs cadres dédorés, sous les successives couches de vernis et de poussière dont ils sont affligés. Non point qu’il fût réfractaire aux mérites d’un Giotto, d’un Holbein, d’un Vélasquez, d’un Delacroix, d’un Daumier et