Page:Des artistes, première série, 1885-1896, peintres et sculpteurs, 1922.djvu/108

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amateurs qui riaient autrefois, s’honorent de posséder des tableaux de lui ; des peintres, les plus acharnés à se moquer jadis, s’acharnent à l’imiter. Et lui-même vit dans la plus belle, dans la plus inaltérable sérénité d’art où un artiste puisse se réfugier.

Ce qui distingue ce talent de M. Claude Monet, c’est sa grandiose et savante simplicité ; c’est son implacable harmonie. Il a tout exprimé, même les fugitifs effets de lumière ; même l’insaisissable, même l’inexprimable, c’est-à-dire le mouvement des choses inertes ou invisibles, comme la vie des météores ; et rien n’est livré au hasard de l’inspiration, même heureuse, à la fantaisie du coup de pinceau, même génial. Tout est combiné, tout s’accorde avec les lois atmosphériques, avec la. marche régulière et précise des phénomènes terrestres ou célestes. C’est pourquoi il nous donne l’illusion complète de la vie. La vie chante dans la sonorité de ses lointains, elle fleurit, parfumée, avec ses gerbes de fleurs, elle éclate en nappes chaudes de soleil, se voile dans l’effacement mystérieux des brumes, s’attriste sur la nudité sauvage des rochers, modelée ainsi que des visages de vieillards. Les grands drames de la nature, il les saisit, les rend, en leur expression la plus suggestive.

Aussi nous respirons vraiment dans sa toile les senteurs de la terre ; des souffles de brises marines nous apportent aux oreilles ces orchestres