Page:Des artistes, première série, 1885-1896, peintres et sculpteurs, 1922.djvu/134

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particulière estime. Fixer en notes brèves et rapides la signification de l'art si compliqué et si primitif, si clair et si obscur, si barbare et si raffiné de M. Gauguin, n'est-ce point chose irréalisable, je veux dire au-dessus de mes forces? Pour faire comprendre un tel homme et une telle œuvre, il faudrait des développements que m'interdit la parcimonieuse exigence d'une chronique. Cependant, je crois qu'en indiquant, tout d'abord, les attaches intellectuelles de M. Gauguin et en résumant, par quelques traits caractéristiques, sa vie étrange et tourmentée, l'œuvre s'éclaire, elle-même, d'une vive lumière.

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M. Paul Gauguin est né de parents, sinon très riches, du moins qui connurent l'aisance et la douceur de vivre. Son père collaborait au National, d'Armand Marrast, avec Thiers et Degouve-Denuncques. Il mourut en mer, en 1852, au cours d'un voyage au Pérou, qui fut, je crois bien, un exil. Il a laissé le souvenir d'une âme forte et d'une intelligence haute. Sa mère, née au Pérou, était la fille de Flora Tristan, de cette belle, ardente, énergique Flora Tristan, auteur de beaucoup de livres de socialisme et d'art, et qui prit une part si active dans le mouvement des phalanstériens. Je sais d'elle un livre : Promenades dans Londres, où se trouvent d'admirables, de généreux