Page:Des artistes, première série, 1885-1896, peintres et sculpteurs, 1922.djvu/160

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parmi les artistes, même les plus illustres, même les mieux piédestalisés, pourraient sans déchoir affronter une telle épreuve ? Le compte en est vite réglé. C'est pourquoi la mode ne se perdra pas de ces grandes exhibitions retentissantes, de ces incohérentes cohues qu'on appelle des Salons annuels, où, à force de voir, dans trop de salles pareilles, trop de choses si disparates, l'on ne voit plus rien du tout et d'où l'on sort aveuglé, hébété, les jambes rompues, le cerveau dolent, comme après de longues stations, d'interminables courses dans les galeries du Louvre ou au Bon Marché... Les salons ne sont-ils point, en effet, le Bon Marché de l'art, les cent mille paletots de la peinture, la redingote grise de la sculpture ?

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Il arrive à Camille Pissarro une étrange aventure : M. Camille Pissarro est célèbre, et c'est à peine si le public le connaît. Personne ne conteste plus l'influence considérable qu'il exerça sur la peinture contemporaine, et la critiqué officielle a toujours fait le silence, sur son oeuvre et sur son nom. Soyons psychologue. Ce silence, la critique ne s'y est pas enfermée par parti-pris d'hostilité, mais par conscience professionnelle. Un critique entre dans une salle où sont exposés les tableaux de M. Camille Pissarro. Il regarde, va de l'un à l'autre, s'étonne, se recule, se tâte : « C'est peut être