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SARAH.

s’écartait de ses compagnons pour rêver un moment, pour oser penser à lui-même, à ses parens qu’il avait à peine connus, à son rivage aride, mais libre, dont, malgré ses cris et ses larmes, des blancs, des hommes, l’avaient arraché depuis plus de vingt ans. Ses souvenirs couraient dans sa mémoire, et réveillaient en lui ce qui n’est jamais qu’endormi dans le cœur, l’amour d’une patrie, le besoin de la liberté. Du haut de la montagne, il plongeait ses regards dans l’île où les blancs s’enferment avec tant de soin pour éviter les rayons brûlans du jour. Ses yeux erraient sur les bords de la mer, où quelque nègre, traînant un fardeau à l’ardeur du soleil, paraissait y succomber comme lui, et comme lui, peut-être, envoyer à sa patrie absente un soupir de regret et d’espoir. Il plaignait l’esclave, tous les esclaves ; et s’écriait alors comme