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POÉSIES

Des fleurs, du miel, des blés et des bois idolâtre,
Seul il jugeait tout bas que son maître avait tort.
Un jour, riant d’avance, et roulant sa chimère,
Ce petit fou d’agneau s’en vint droit à sa mère,
Sage et vieille brebis, soumise au bon pasteur.

« Mère ! écoutez, dit-il : d’où vient qu’on nous enferme ?
» Les chiens ne le sont pas, et j’en prends de l’humeur.
» Cette loi m’est trop dure, et j’y veux mettre un terme.
» Je vais courir partout, j’y suis très-résolu.
» Le bois doit être beau pendant le clair de lune !
» Oui, mère, dès ce soir je veux tenter fortune :
» Tant pis pour le pasteur, c’est lui qui l’a voulu. «

— « Demeurez, mon agneau, dit la mère attendrie ;
» Vous n’êtes qu’un enfant, bon pour la bergerie ;
» Restez-y près de moi ! Si vous voulez partir,
» Hélas, j’ose pour vous prévoir un repentir. »

— « J’ose vous dire non ! cria le volontaire… »

Un chien les obligea tous les deux à se taire ;
Quand le soleil couchant au parc les rappela,
Et que par flots joyeux le troupeau s’écoula,
L’agneau sous une haie établit sa cachette ;
Il avait finement détaché sa clochette ;
Dès que le parc fut clos, il courut à l’entour,
Il jouait, gambadait, sautait à perdre haleine.