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ÉLÉGIES

À L’AMOUR.

Reprends de ce bouquet les trompeuses couleurs,
Ces lettres qui font mon supplice,
Ce portrait qui fut ton complice,
Il te ressemble, il rit, tout baigné de mes pleurs.

Je te rends ce trésor funeste,
Ce froid témoin de mon affreux ennui :
Ton souvenir brûlant que je déteste
Sera bientôt froid comme lui.
Oh ! reprends tout. Si ma main tremble encore,
C’est que j’ai cru le voir sous ces traits que j’abhorre.
Oui, j’ai cru rencontrer le regard d’un trompeur ;
Ce fantôme a troublé mon courage timide.
Ciel ! on peut donc mourir à l’aspect d’un perfide,
Si son ombre fait tant de peur !

Comme ces feux errans dont le reflet égare,
La flamme de ses yeux a passé devant moi ;
Je rougis d’oublier qu’enfin tout nous sépare ;
Mais je n’en rougis que pour toi.
Que ces froids sentimens s’expriment avec peine !
Amour, que je te hais de m’apprendre la haine !