Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, I.djvu/189

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Le fragment mathématique latin contenu dans cette lettre doit être d’une rédaction bien antérieure et remonter à l’époque du premier séjour de Descartes en Hollande (de 1617 à juillet 1619) ; c’est, en effet, Beeckman qui lui a posé la question de la loi mathématique de la chute des graves dans le vide (cf. lettre à Mersenne du 18 décembre 1629 Clers.t. II, p. 483, et les Cogitationes privatæ, Foucher de Careil, t. I, p. 16). A cette époque, Galilée était déjà en possession de cette loi depuis une quinzaine d’années au moins, mais il ne devait la publier que dans les Massimi Sistemi de 1632.

Dans cette recherche a priori, Descartes procède comme parait l’avoir fait aussi Galilée, en partant du principe de la conservation du mouvement antérieurement acquis (que Beeckman, au reste, admettait déjà), et en employant un procédé tout à fait analogue à celui de la méthode des indivisibles (ainsi bien avant Cavalieri). Mais il commet une faute de raisonnement singulière. Sur sa figure, la coordonnée ABC devrait représenter les temps, tandis qu’il s’en sert également pour représenter les espaces parcourus. La marche, très ingénieuse au reste, qu’il suit, l’empêche d’apercevoir immédiatement les contradictions auxquelles cette confusion sur la figure aurait dû le conduire ; il aboutit donc à une relation essentiellement différente de celle de Galilée, puisqu’elle reviendrait à considérer l’espace parcouru comme proportionnel, non pas au carré du temps, mais à une puissance du temps dont l’exposant est le rapport de log. 2 à log. 4/3, c’est-à-dire environ 2, 4.

Ayant depuis longtemps rejeté l’hypothèse de la possibilité du vide, Descartes ne revint jamais sérieusement sur ce tentamen, et par suite ne reconnut pas son erreur. Il semble même avoir cru de bonne foi que la loi de Galilée ne différait pas de celle qu’il avait lui-même donnée à Beeckman dès 1619. Il est, au contraire, possible que Clerselier, constatant le vice du raisonnement développé dans la présente lettre à Mersenne, en ait volontairement laissé de côté la minute (T).