Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, I.djvu/92

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tous les verbes à l’imparfait de l’indicatif, i’auois, il pouuoit, il vouloit, etc., et dans les mots comme foiblesse, françois, etc. C’est là une règle absolue.

Mais il n’écrit pas toujours eu ; il le remplace souvent par û avec un accent circonflexe, ou même par un u tout simple, sans accent, si bien qu’on rencontre les trois formes équivalentes eu, û, u, bien que la plus fréquente soit la première. Le plus ancien autographe donne déjà (f. 48, recto, l. 2, novembre 1629). On trouve vû que et pouruû que, aussi bien que vu que et pouruu que (5 octobre 1637). Ailleurs on lit dans la même ligne i’ay vu ce qu’il vous a pleu (f. 2 recto, l. 1), et ailleurs, dans la même page, et pu (f. 18, recto, l. 9 et 18), ny vû ny connû (f. 20, verso, l. 6) ; ailleurs encore creu, sceu, leu, teu, receu, aperceu, sont des formes courantes. Ou bien ce sont des substantifs cheute, relieure, pour chûte et reliure. Mais point de règle fixe à ce sujet. L’accent circonflexe ne semble qu’une abréviation d’écriture, dont on peut ou non se servir[1].

3° L’emploi de an ou de en est beaucoup plus curieux, parce que là-dessus Descartes a changé. On trouve, en effet, dans les deux plus anciens autographes du recueil (novembre 1629 et janvier 1631), argumant (f. 48, recto, l. 6), fondemant (l. 29), elemans (l. 19), mouuemans (l. 23 et 31), seulemant (l. 6), perpetuellemant (l. 32), empeschemant (f. 48, verso, l. 22), commencemant (l. 34), generalemant (l. 26), etc. ; on trouve aussi, mais une seule fois, aysement (l.35). Descartes employait donc presque toujours la forme an dans les substantifs, les adjectifs et participes, les adverbes. Plus tard, il paraît avoir réservé cette forme an aux participes présents des verbes et

  1. Dans un ouvrage du temps, Lettres de Monsieur de Lannel (Paris, Toussainct du Bray, 1625, privilège du 2 octobre), on lit, Lettre IIII, A Mons. de Saint Chamas, p. 51-52 : « Peu est vn aduerbe, comme, i’ay peu de moyens ; aussi seroit-ce vne mauuaise ortografe si on écriuoit, I’ay peu faire cela, au lieu d’écrire I’ay pû faire cela. le dy le fû Roy, et non le feu Roy, parce que le feu signifie cet élément qui brusle, et puis outre cela, la voyele e seroit superfluë, quoy que puissent dire nos Poëtes. » Et quelques lignes plus haut : « Il peut est un temps present, comme : Le Roy peut prendre la Rochelle. Il eut est vn temps passé, comme : le fû Roy eut des enfans. Il eust est vn optatif, comme : Plust à Dieu que le Roy en eust. » Voir du même auteur un long passage cité plus loin en note, p. xcii.