Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/112

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

86 OEuvRES DE Descartes. 107-109.

vraye Logique, on ne doit iamais demander d'aucune cliofe, fi elle ejï, qu'on ne | fçache premièrement ce quelle ejt. En fécond lieu, parce que c'eft cette mefme idée qui me donne occafion d'examinei fi ie fuis parmoy ou par autruy, & de reconnoiftre mes défauts. Et en dernier lieu, c'eil elle qui m'aprend que non feulement il y a vne caufe de mon eftre, mais de plus auiïi, que cette caufe contient toutes fortes de perfections, & partant qu'elle eft Dieu. Enfin, ie n'ay point dit qu'il eft impolfible qu'vne chofe foit la caufe efficiente de foy-mefme; car, encore que cela foit manifeftement véritable, lorf-

138 qu'on reftraint la fignification d'effi|cient à ces caufes qui font diffé- rentes de leurs effets, ou qui les précèdent en temps, il femble toutesfois que dans cette queftion elle ne doit pas eftre ainfi ref- trainte, tant parce que ce feroit vne queftion friuole : car qui ne fçait qu'vne mefme chofe ne peut pas eftre différente de foy-mefme ny fe précéder en temps? comme auffi parce que la lumière naturelle ne nous dicte point, que ce foit le propre de la caufe efficiente de pré- céder en temps fon effet : car au contraire, à proprement parler, elle n'a point le nom ny la nature de caufe efficiente, finon lorf- qu'elle produit fon effet, & partant elle n'eft point deuant luy. iMais certes la lumière naturelle nous dide qu'il n'y a aucune chofe de la- quelle il ne foit loifible de demander pourquoy elle exifte, ou dont on ne puilTe rechercher la caufe efficiente, ou bien, fi elle n'en a point, demander pourquoy elle n'en a pas befoin; de forte que, fi ie penfois qu'aucune chofe ne peuften quelque façon eftre, à l'efgard de foy-mefme, ce que la caufe elficiente eft à l'efgard de fon effect, tant s'en faut que de là ie vouluffe conclure qu'il y a vne première caufe, qu'au conirairc de celle-là | mefme qu'on appelleroit première, ie rechercherois derechef la caufe, & ainfi ie ne viendrois iamais à vne première. Mais certes i'auouë franchement qu'il peut y auoir quelque chofe dans laquelle il y ait vne puilïance fi grande & fi inepuifable, qu'elle n'ait iamais eu befoin d'aucun fecours pour exifter, & qui n'en ait pas encore befoin maintenant pour eftre con-

139 feruée, & ainfi qui foit en queljque façon la caufe de foy-mefme; & ie conçoy que Dieu eft tel Car, tout de mefme que, bien que i'euffe efté de toute éternité, & que par confequent il n'y euft rien eu auant moy, neantmoins, parce que ie voy que les parties du temps peuuent eftre feparées les vnes d'auec les autres, & qu'ainfi, de ce que ie fuis maintenant, il ne s'enfuit pas que ie doiue eftre encore après, fi, pour ainfi parler, ie ne fuis créé de nouueau à chaque moment par quelque caufe, ie ne ferois point difficulté d'apeller efficiente la caufe qui me crée continuellement en cette façon, c'eft à dire qui me con-

�� �