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Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/142

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ii6 OEuvRES DE Descartes.

��147-149.

��Outre cela, il faut remarquer que la clarté ou l'euidence, | par laquelle noitre volonté peut eftre excitée à croire, eft de deux l'ortes : l'vnc qui part de la lumière naturelle, & l'autre qui vient de la grâce diuine.

Or, quoy qu'on die ordinairement que la foy eft des choies oblcures, toutesfois cela s'entend feulement de fa matière, 6s: non point de la raifon formelle pour laquelle nous croyons; car, au contraire, cette raifon formelle conlille en vne certaine lumière intérieure, de laquelle Dieu nous ayant furnaturellement éclairez, nous auons vne confiance certaine que les chofes qui nous font propofées à croire, ont efté reuelées par luy, & qu'il ell entièrement impoiTible qu'il foit menteur & qu'il nous trompe : ce qui cil plus allure que toute autre lumière naturelle, & fouuent mefme plus euident, à caufe de la lumière de la grâce.

Et certes les Turcs & les autres infidelles, lorfqu'ils n'embrailcnt point la religion Chrefl.ienne, ne pèchent pas pour ne vouloir point adjoufter foy aux chofes oblcures, comme cllant obfcures ; mais ils pèchent, ou de ce qu'ils refillent à la grâce diuine qui les auertit 192 intérieurement, ou que, pechans en d'aujtres chofes, ils le rendent indignes de cette grâce. Et ie diray hardiment qu'vn infidèle qui, deititué de toute grâce furnaturellc, & ignorant tout à faif que les chofes que nous autres Chrelliens croyons, ont efié reuelées de Dieu, neantmoins, attire par quelques faux raifonnements, fe por- teroit à croire ces mefmes choies qui luy leroient obfcures, ne leroit pas pour cela fidèle, mais plutoll qu'il pecheroit en ce qu'il ne fe fcruiroit pas comme il faut de fa raifon.

Et ie ne penfc pas que iamais aucun Théologien ortodoxe ait eu d'autres fentimens touchant cela; & ceux aulli qui liront mes Mé- ditations n'auront pas fujet de croire que ie n'aye point connu cette lumière furnaturellc, puifque, dans la quatrième, où i'ay foigneu- fcment recherché la caufe de l'erreur ou faullété, i'ay dit, en paroles expreffes, | qu'elle difpofe l'inlericiir de nojtre penjee à ronloii-, i'- que neaulmoins elle'ne diminue poiiil la liberté.

Au relie, ie vous prie icy de vous louuenir que, touchant les chofes que la volonté peut embraU'er, i'ay toufiours mis vne très- grande diftindion entre l'vfage de la vie & la contemplation de la vérité. Car, pour ce qui regarde l'vfage de la vie, tant s'en faut que ie penfe qu'il ne faille fuiure que les choies que nous connoillons tres-clairement, qu'au contraire ie tiens qu'il ne faut pas mefme toujours attendre les plus vra3'-femblables, mais qu'il faut quelques- fois, entre plufieurs choies tout à fait inconnues & incertaines, en

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