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186-187. Troisièmes Objections. 145

��\OBIECTION DIXIÈME.

Et partant, il ne refte que la feule idée de Dieu, dans laquelle il faut confiderer s'il y a quelque chofe qui n'ait peu venir de moy- mefme. Par le nom de Dieu, i'entens vne fubftance infinie, indé- pendante, fouuerainement intelligente, fouuerainenient puilfante, & par laquelle tant | moy que tout ce qui eft au monde, s'il y a 242 quelque monde, a efté créé. Toutes lefquelles chofes font telles que, plus i'y penie, & moins me femblent-elles pouuoir venir de moy feul. Et par conséquent il faut conclure necefl'airement de tout ce qui a efté dit cy-deuant, que Dieu exifte.

Conftderant les attributs de Dieu, afin que de là 7ious en tyuus l'idée, & que nous voyions s'il y a quelque chofe en elle qui n'ait peu venir de nous-mefmes, ie trouue, fi ie ne me trompe, que ny les chofes que nous conceuons par le nom de Dieu ne viennent point de nous, ny qu'il n'ejl pas necejfaire qu'elles viennent d'ailleurs que des obiets extérieurs. Car, par le nom de Dieu, i'entens vne fubftance, c'ejt à dire i'entens que Dieu exifte {non point par aucune idée, mais par le difcoiirs) ; infinie {c'eft à dire que ie ne puis conceuoir ny imaginer fes termes ou de parties fi éloignées, que ie n'en puiJJ'e encore imaginer de plus reculées) : d'oii il fuit que le nom cf'infini ne nous fournil pas l'idée de l'infinité diuine, mais bien celle de mes propres termes & limites ', indépendante, c'ejî à dire ie ne conçoy point de caufe de laquelle Dieu puiffe venir : d'oii il paroifi que ie n'ay point d'autre idée qui réponde à ce nom tV'independant, yf?zoH la mémoire de mes propres idées, qui ont toutes leur commencement en diuers temps, & qui par confequent font dépendantes.

C'ejl pourquoy, dire que Dieu eft indépendant, ce n'efl rien\dire autre chofe, finon que Dieu eft du | nombre des chofes dont ie ne puis 243 imaginer l'origine; tout ainfi que, dire que Dieu ejt infini, c'eft de mefme que fi nous difions qu'il eft du nombre des chofes dont nous ne conceuons point les limites. Et ainfi toute l'idée de Dieu efi réfutée; car quelle eft cette idée qui eft fans fin & fans origine?

Souuerainement intelligente. le demande icj par quelle idée Moti- fieur Des-Cartes conçoit l'intelleâion de Dieu.

Souuerainement puiffante. le demande aufji par quelle idée fa piiif- fance, qui regarde les chofes futures, c'eft à dire non exiftanles, eft entendue.

Certes, pour moy, i'entens la puiffance par l'image ou la mémoire Œuvres. IV. 19

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