Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/230

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La première deſquelles eſt fondée ſur ce que l’Auteur de ce liure n a pas conſideré que le mot de préjugé ne s’étend point à toutes les notions qui ſont en 595 noſtre | eſprit, deſquelles i’auouë qu’il eſt impoſſible de ſe defaire, mais ſeulement à toutes les opinions 5 que les iugemens que nous auons faits auparauant ont laiſſées en noſtre creance. Et pource que c’eſt vne action de la volonté que de iuger ou ne pas iuger, ainſi que i’ay expliqué en ſon lieu, il eſt éuident qu’elle eſt en noſtre pouuoir : car enfin, pour ſe defaire de 10 toute ſorte de préjugez, il ne faut autre choſe que ſe reſoudre à ne rien aſſurer ou nier de tout ce qu’on auoit aſſuré ou nié auparauant, ſinon aprés l’auoir derechef examiné, quoy qu’on ne laiſſe pas pour cela de retenir toutes les meſmes notions en 15 ſa memoire. I’ay dit neantmoins qu’il y auoit de la difficulté à chaſſer ainſi hors de ſa creance tout ce qu’on y auoit mis auparauant, partie à cauſe qu’il eſt beſoin d’auoir quelque raiſon de douter auant que de s’y determiner : c’eſt pourquoy i’ay propoſé 20 les principales en ma premiere Meditation ; & partie auſſi à cauſe que, quelque reſolution qu’on ait priſe de ne rien nier ny aſſurer, on s’en oublie aiſement par aprés, ſi on ne l’a fortement imprimée en ſa memoire : c’eſt pourquoy i’ay deſiré qu’on y penſaſt 25 auec ſoin[1].

La 2. Objection n’eſt qu’vne ſuppoſition manifeſtement fauſſe ; car, encore que i’aye dit qu’il faloit meſme s’efforcer de nier les choſes qu’on auoit trop aſſurées auparauant, i’ay tres-expreſſement limité 30

  1. Non à la ligne (1re édit.).