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2jO OEuVRES DE DeSCARTES. 428-429.

I4. Pour ce qui regarde la Icience d'vn athée, il eft aifé de montrer qu'il ne peut rien fçauoir auec certitude & aflurance; car, comme i'ay défia dit cy-deuant, d'autant moins puilTant fera celuy qu'il reconnoiilra pour l'auteur de fon eftre, d'autant plus aura t'il occa- fion de douter û fa nature n'eft point tellement imparfaite qu'il fe trompe, mefme dans les chofes qui luy femblent très euidentes ; & iamais il ne poura eftre deliuré de ce doute, fi, premièrement, il ne reconnoift qu'il a efté créé par vn vray Dieu, principe de toute vérité, & qui ne peut eftre trompeur.

366 I 5. Et on peut voir clairement qu'il eft impoiïible que Dieu foit trompeur, pourueu qu'on veuille confiderer que la forme ou l'ef- fence de la tromperie eft vn non eftre, vers lequel iamais le fouue- rain eftre ne fe peut porter. Aufll tous les Théologiens font-ils d'ac- cord de cette vérité, qu'on peut dire eftre la bazc & le fondement de la religion Chreftienne, puifque toute la certitude de fa foy en dépend. Car comment pourions-nous adiouter foy aux chofes que Dieu nous a reuelées, fi nous penfions qu'il nous trompe quelque- fois? Et bien que la commune opinion des Théologiens foit que les damnez font tourmentez par le feu des enfers, neantmoins leur fen- timent n'eft pas pour cela, qu'ils font deceiis par vue faujfe idée que Dieu leur a imprimée d'pnfeu qui les cotifomme,' ma'is plutoft qu'ils font véritablement tourmentez par le feu ; parce que, comme l'efprit d'vn homme viuant, bien qu'il ne foit pas corporel, efl neantmoins naturellement détenu dans le corps, ainfi Dieu, par fa toute puiffance, peut aifement faire qu'il foufre les attaintes du feu corporel après fa mort, i&c. Voyez le Maiftre des Sentences, Lib. 4, Dift. 44. Pour ce qui eft des lieux de l'Efcriture, ie ne iuge pas que ie fois obligé d'y répondre, fi ce n'eft qu'ils femblent contraires à quelque opinion qui me foit particulière; car lorfqu'ils ne s'ataquent pas à moy feul, mais qu'on les propofe contre les opinions qui font communément receuës de tous les Chreftiens, comme font celles que l'on | impugne en ce

367 lieu-cy, par | exemple : que nous pouuons fçauoir quelque chofe, & que l'ame de l'homme n'eft pas femblable à celle des animaux; ie craindrois de paft"er pour prefomptueux,fi ie n'aimois pas mieux me contenter des réponfes qui ont défia efté faites par d'autres, que d'en rechercher des nouuelles ; veu que ie n'ay iamais fait profeftion de l'étude de la Théologie, & que ie ne m'y fuis apliqué qu'autant que i'ay creu qu'elle eftoit neceffaire pour ma propre inftrudion, & enfin que ie ne fens point en moy d'infpiration diuine.qui me falfe iuger capable de l'enfeigner. C'eft pourquoy ie fais icy ma déclaration, que déformais ie ne répondray plus à de pareilles obiections.

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