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Œuvres de Descartes

II. Cependant ce Liure passe des Vniuersitez dans les Palais des Grands, & tombe entre les mains, d'vne personne d'vne condition tres-eminente[1]. Aprés en auoir leu les Méditations, & les auoir iugées dignes de sa memoire, il prit la peine de les traduire en François : soit que par ce moyen il se voulut rendre plus propres & plus familieres ces notions assez nouuelles, soit qu'il n'eust autre dessein que d'honorer l'Auteur par vne si bonne marque de son estime. Depuis vne autre personne aussi de merite[2] n'a pas voulu laisser imparfait cét ouurage si parfait, & marchant sur les traces de ce Seigneur, a mis en nostre langue les Objections qui suiuent les Meditations, auec les Réponses qui les accompagnent; iugeant bien que, pour plusieurs personnes, le François ne rendroit pas ces Meditations plus intelligibles que le Latin, si elles n'estoient accompagnées des Objections & de leur(s) Réponses, qui en sont comme les Commentaires. L'Auteur ayant esté auerty de la bonne fortune des vnes & des avtres, a non seulement consenty, mais aussi desiré, & prié ces Messieurs de trouuer bon que leurs versions fussent imprimées; parce qu'il auoit remarqué que ses Meditations auoient esté accueillies & (3) recuës auec quelque satis|faction par vn plus grand nombre de ceux qui ne s'appliquent point à la Philosophie de l'Escole, que de ceux qui s'y appliquent. Ainsi, comme il auoit donné sa premiere impression Latine au desir de trouuer des contredisants, il a creu deuoir cette seconde Françoise au fauorable accueil de tant de personnes qui, goustant desia ses nouuelles pensées, sembloient desirer qu'on leur osta la langue & le goust de l'Ecole, pour les accommoder au leur.

III. On trouuera partout cette version assez iuste, & si religieuse, que iamais elle ne s'est escartée du sens de l'Auteur. Ie le pourrois assurer sur la seule connoissance que i'ay de la lumiere de l'esprit des traducteurs, qui facilement n'auront pas pris le change. Mais i'en ay encore vne autre certitude plus authentique, qui est qu'ils ont (comme il estoit iuste) reserué à l'Auteur le droit de reueuë & de correction. Il en a vsé, mais pour se corriger plutost qu'eux, & pour éclaircir seulement ses propres pensées. Ie veux dire que, trouuant quelques endroits où il luy a semblé qu'il ne les auoit pas renduës assez claires dans le Latin pour toutes sortes de personnes, il les a voulu icy éclaircir par

  1. Louis Charles d'Albert Duc de Luynes.
  2. Claude Clerselier.