Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/59

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4I-4Î- Méditations. — Troisième. jj

qu'vne autre, elle doit fans doute auoir cela de quelque caul'e, dans laquelle il fe rencontre pour le moins autant de realité formelle que cette idée contient de realité objecl:iue. Car fi nous fupofons qu'il fe trouue quelque chofe dans l'idée, qui ne fe rencontre pas dans fa caufe, il faut donc qu'elle tienne cela du néant; mais, pour impar- faite que foit cette façon d'eftre, par laquelle vne chofe efi: objecti- uement | ou par reprefentation dans l'entendement par fon idée, ^* certes on ne peut pas neantmoins dire que cette façon & manierc- là ne foit rien, ny par confequent que cette idée tire fon ori- gine du néant. le ne dois pas auffi douter qu'il ne foit necelTaire |que la realité foit formellement dans les caufes de mes idées, quoy que la realité que ie confidere dans ces idées foit feulement objediue, ny penfer qu'il fuffit que cette realité fe rencontre obiedi- uement dans leur (s) caufes; car, tout ainfi que cette manière d'eftre obiediuement appartient aux idées, de leur propre nature, de mefme auffi la manière ou la façon d'eftre formellement appartient aux caufes de ces idées (à tout le moins aux premières & princi- pales) de leur propre nature. Et encore qu'il puilfe arriuer qu'vne idée donne la naiffance à vne autre idée, cela ne peut pas toutes- fois eftre à l'infiny, mais il faut à la fin paruenir à vne première idée, dont la caufe foit comme vn patron ou vn original, dans lequel toute la realité ou perfedlion foit contenue formellement iS: en effet, qui fe rencontre feulement obiediuement ou par repre- fentation dans ces idées. En forte que la lumière naturelle me fait connoiftre euidemment, que les idées font en moy comme des tableaux, ou des images, qui peuuent à la vérité facilement déchoir de la perfeftion des chofes dont elles ont efté tirées, mais qui ne peuuent iamais rien contenir de plus grand ou de plus parfait.

Et d'autant plus longuement & foigneufement l'examine toutes ces chofes, d'autant plus clairement & di|ftin6tement ie connois 45 qu'elles font vrayes. Mais enfin que concluray-je de tout cela? C'eft à fçauoir que, û la realité obiediue de quelqu'vne de mes idées eft telle, que ie connoifte clairement qu'elle n'eft point en moy, ny formellement, ny éminemment, & que par confequent ie ne puis pas moy-mefme en eftre la caufe, il fuit de là necefl'airement que ie ne fuis pas feul dans le monde, mais qu'il y a encore quelque autre chofe qui exifte, &qui eft la caufe de cette idée; au lieu que, s'il ne fe rencontre point en moy de telle idée, ie n'auray aucun argu- ment qui me puifl"e conuaincre & rendre certain de l'exiftence d'aucune autre chofe que de nioy-mefme ; car ie les ay tous foi-

ŒUVRE IV 5

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