Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/620

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p2 OEuvRES DE Descartes.

artificielles, font auec cela naturelles. Car, par exemple, lors qu'vne montre marque les heures par le moyen des roues dont elle eft faite, 481 cela ne lui eft pas moins na|turel qu'il eft à vn arbre... de produire fes fruits. C'eft pourquoy, en mefme façon (\Wvn horologier..., en voyant vtie montre qu'il n'a point faite, peut ordinairement juger, de quelques vnes de fes parties qu'il regarde, quelles" font toutes les autres qu'il ne voit pas : ainfi, en confiderant les effets & les parties fenfibles des corps naturels, j'ay tafché de connoiftre quelles* doiuent eftre celles de leurs parties qui font infenfibles.

��204. Que, touchant les chofes que nos fens n'aperçoiuent point, il fuffit d'expliquer comment elles peuuent ejlre; & que c'ejl tout ce qu'AriJiote a tafché de faire.

On répliquera encore à cecy que, bien c\nt faye peut-eflre imaginé des caufes qui pourroient produire des effets femblables à ceux que jious l'oyons, nous ne deuons pas pour cela conclure que ceux que nous voyons font produits par elles. Pource que, comme vn horolo- gier indufirieux peut faire deux montres qui marquent les heures en mefme façon, & entre lefquelles il n'y ait aucune différence en ce qui paroift à l'extérieur, qui n'ayent toutefois... rien de femblable en la compofition de leurs roues : ainfi il eft certain que Dieu a vne infinité de diuers moyens, par chacun defquels il peut auoirfait que toutes les chofes de ce monde paroiffent telles que maintenant elles paroiffent, fans qu'il foit poffible à l'efprit humain de connoifire lequel de tous ces moyens il a voulu employer à les faire. Ce que Je ne fais aucune 482 difficulté d'accorder; Et je croiray auoir affez | fait, fi les caufes que j'ay expliquées font telles que tous les effets qu'elles peuuent produire fe trouuent femblables à ceux que nous voyons dans le monde, fans m' enquérir fi cefl par elles ou par d'autres qu'ils font produits. Mefme je croy qu'il eft aufll vtile pour la vie, de connoifire des caufes ainfi imaginées, que fi on auoit la connoiJJ'ance des vrayes : car la Médecine, les Mechaniques, & généralement tous les arts à quoy la connoiflance de la Phyfique peut feruir, n'ont pour fin que d'ap- pliquer ?e//e»/e«/ quelques corps fenfibles /l'5 vus aux autres, que, par la fuite des caufes naturelles, quelques effets fenfibles foient produits ; ce que nous ferons tout auffi bien, en confiderant la fuite de quelques caufes ainfi imaginées, bien que faujfes, que fi elle efioient les vrayes, puis que cette fuite efi fuppofée femblable, en ce qui regarde les effets

a. Texte imprimé : « quelles >>.

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