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48-50. Méditations. — Troisième. 59

de ce raifonnement, & ne laiffe pas de connoiftre qu'il eft necef- faire que Dieu foit l'auteur de mon exiftence. Car tout le temps de ma vie | peut eftre diuilé en vne infinité de parties, chacune def- quelles ne dépend en aucune façon des autres; & ainfi, de ce qu'vn peu auparauant i'ay efté, il ne s'enfuit pas que ie doiue maintenant eftre, fi ce n'eft qu'en ce moment quelque caufe me produife & me crée, pour ainfi dire, derechef, c'eft à dire me conferue.

En effet c'eft vne chofe bien claire & bien euideiite (à tous ceux qui confidereront auec attention la nature du temps), qu'vne fub- ftance, pour eftre conferuée dans tous les momens qu'elle dure, a befoin du mefme pouuoir & de la mefme a(5tion,qui feroit necefTaire pour la produire & la créer tout de nouueau, û elle n'eftoit point encore. En forte que la lumière naturelle nous fait voir clairement, que la conferuation & la création ne différent qu'au regard 1 de 55 noftre façon de penfer, & non point en effet. Il faut donc feulement icy que ie m'interroge moy-mefme, pour fçauoir fi ie poffede quelque pouuoir & quelque vertu, qui foit capable de faire en forte que moy, qui fuis maintenant, fois encor à l'auenir : car, puifque ie ne fuis rien qu'vne choie qui penle (ou du moins puifqu'il ne s'agit encor iufques icy precifement que de cette partie-là de moy-mefme), fi vne telle puiffance refidoit en moy, certes ie deurois à tout le moins le penfer, & en auoir connoiffance ; mais ie n'en reflens aucune dans moy, & par là ie connois euidemment que ie dépens de quelque eftre différent de moy.

Peut-eftre auffi que cet eftre-là, duquel ie dépens, n'eft pas ce que l'appelle Dieu, & que ie fuis produit, ou par mes parens, ou par quelques autres caufes moins parfaites que luy? Tant s'en faut, cela ne peut eftre ainfi. Car, comme i'a}' défia dit auparauant, c'eit vne chofe tres-euidente qu'il doit y auoir au moins autant de realité dans la caufe que dans fon effet. Et partant, puifque ie fuis vne chofe qui penfe, & qui ay en moy quelque idée de Dieu, quelle que l'oit enfin la caufe que l'on attribue à ma nature, il faut neceffairc- ment auciier qu'elle doit pareillement eftre vne chofe qui penfe, & potfeder en foy l'idée de toutes les perfecl:ions que i'attribuë à la nature Diuine. Puis l'on peut derechef rechercher fi cette caufe tient fon origine & fon exifience defoy-mefme, ou de quelque autre chofe. Car fi elle la tient de | foy-mefme, il s'enfuit, p;-ir les railbns 56 que l'ay cy-deuant alléguées, qu'elle-iiicrme doit citre Dieu ; puif- qu"|ayant la vertu d'efirc «S: d'exiltcr par foy, elle doit aulfi auoiv fans doute la puill'ance de polieder actuellement toutes tes perfeclions dont elle conçoit les idées, c'eft à dire toutes celles que ic conçoy

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