DXX. — Juin ou Juillet 1648. 201
« Ce fut le jour de la réconciliation des deux Philosophes que M, de » Roberval entreprit, pour la première fois, de démontrer l'impossibilité » du mouvement sans le Vuide. M. Descartes, à qui s'addressoient per- ï sonnellement les prétentions de ce Mathématicien, ne fit point diffi- B culte de répondre d'abord à toutes ses objections. Mais il le fit avec » tous les égards qui étoientdûs à la présence de Monsieur l'Abbé d'Es- » trées et de sa compagnie, sans changer la face d'une conversation hon- >) nête et paisible. [En marge : Lettr. M S. de M. Auz. du 8 Août 1689, » etc.] L'humeur de M. de Roberval, qui avoit partout besoin de l'indul- » gence de ceux à qui il avoit affaire, ne s'accommodoit pas assez du u flegme qui accompagnoit ordinairement les discours de M. Descartes. » Aussi ne fut-il pas long-têms sans s'échauffer. "Ni la considération du » respect dû à M. l'Abbé d'Estrées, ni la modération de M. Descartes, ne » purent éteindre ou rallentir ce feu. »
« Il en fit ressentir les effets en d'autres occasions à M. Descartes,
» pendant le reste de son séjour à Paris. Les Mathématiciens de la ville
» s'assembloient souvent, ou chez l'Abbé Picot son hôte, ou aux Minimes
» de la Place royale jusqu'au fort de la maladie du P. Mersenne, pour
» avoir la satisfaction de conférer avec luy, ou pour faire leurs observa-
» tions en sa présence. [En marge : De tous ces Sçavans il ne reste plus
» que M. Auzout et M. Bouilliaud qui soient vivans.] De tant de Sça-
» vans que M. Descartes voyoit avec plaisir, M. de Roberval étoit le seul
» qui luy fût devenu formidable par son humeur ; et pour tempérer un
» peu sa joye, M. de Roberval ne s'absentoit presque d'aucune des
» assemblées où il fe trouvoit. On y répétoit souvent l'exp'^rience du
» Vuide, non pour l'instruire d'une chose qui ne luy étoit pas nouvelle,
« mais pour luy en faire voir toutes les manières différentes qu on avoit
» inventées depuis peu, et qu'on [lire : il ?; n'avoit pas encores vues. Il ne
» s'y donnoit point d'autre part que celle de spectateur; c'est pourquoy il
» y parloit peu, et seulement pour marquer comment ces expériences s'ac-
» cordoient avec ses principes. Il se contentoit d'écouter les autres ; et soit
» qu'il suivit les mouvemens de sa retenue ordinaire, soit qu'il voulût
» éviter la dureté des reparties de M. de Roberval, il refusa presque toû-
» jours de s'expliquer, lorsque la compagnie l'en prioit, voyant sur tout
» que la plupart étoieni dans l'opinion du Vuide effectif, qu'il n'admet-
» toit point. [En marge : Voyez ci-dessus au sujet de l'examen que Des-
» cartes fait du livre de Galilée*. Voyez aussi les lettres MSS. à Mersenne
» de l'an 1647, etc..] Mais il ne laissa point de détromper ceux qui
» croyoient qu'il n'avoit pas encore songé jusqu'alors à la pesanteur de
» l'air comme à la cause des effets que le vulgaire des Philosophes avoit
» toujours attribué à l'horreur du Vuide. C'est une observation qu'il avoit
» faite long-têms auparavant, et même devant Torricelli, par qui tous ces
a. Cf. t. II, p. 382
b. Voir ci-avant, lettre D, p. 98.
Correspondance. V. 26
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