Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, V.djvu/473

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»* pour plaire à une Cour qui se picquoit déjà de vouloir imiter la polîtesse de celle de France. Mais ces vers ne dérogeoient point à la sagesse » d’un Philosophe de son rang. Ils furent trouvez trop beaux pour être » les fruits d’un âge si avancé, et pour venir d’une imagination, dont il » sembloit depuis prés de quarante ans avoir étouffé le génie poétique » sous les épines de l’Algèbre et des autres sciences les plus sombres. Ce » qui nous en est resté sert encore à nous faire juger que M. Descartes » auroit été plus heureux, que n’ont été [en marge : qu’on en juge par les i> fragmens recueillis par H. Est.] Thalès, Xénophane, Empédocle, Epicure, Cléanthe, parmi les Grecs, Lucrèce, Varron et Boéce, parmi les Latins, à mettre la Philosophie en vers. » (Baillet, II, SgS.) Ce ballet de Descartes, dont Baillet lui-même n’avait que des fragments, est perdu malheureusement. Morhof en a fait aussi mention dans son Polyhistor, t. II, publié en 1692 : « ...Ceterùm nec Poeticae artis rudis fuit (Car- » tesius). Habeo enim, inter Schediasmata mea, Choream, Gallice Ballet » dictam, super Natalem Reginae Chrisiinae, La Naissance de la Paix, » quam in Germanicam linguam convertit Joh. Freinshemius. » [Danielis Georgi Morhofii Polyhistor, t. II, p. 11 3, edit. 4% Lubecœ, sumptibus Pétri Beeckmanni, 1747.)

Outre ce ballet. Descartes fit aussi à Stockholm une comédie en français, aujourd’hui perdue, sur laquelle nous avons ce témoignage de Baillet :

« Il porta jusqu’au fonds de sa solitude de Hollande et jusqu’en Suéde même la belle humeur et l’enjoûment naturel qu’on avoit remarqué en luy dés sa plus tendre jeunesse. [En marge : Il fit une Comédie en » Suéde peu de semaines avant sa mort.] » ( Vie de Mans. Des-Cartes, II, 463.)

« Pour ce qui est des arts et autres connoissances que nous qualifions » du nom A’ Humanité^ et de belles Lettres, quoy qu’il affectât de n’y pas i> exceller et de n’en pas faire autant de cas que des sciences supérieures, » il ne cessa jamais de les estimer ce qu’elles valent. . . C’est ce qui a paru » par une comédie françoise un peu mystérieuse, mais honnête, et dans » le goût des Anciens, [en marge : Nous avons cette comédie MSS.], » qu’il fit deux mois devant sa mort en Suéde, ouire les vers et la prose » du ballet dont nous avons parlé ailleurs. » {Ib., II, 484.)

Baillet prend occasion de là pour raconter la rivalité entre les grammairiens et le philosophe à la cour de Suède, rivalité qui s’annonça dès les premiers jours de l’arrivée de Descartes à Stockholm. Des bruits fâcheux coururent après sa mort : que ses envieux, pour être débarrassés de lui, l’avaient empoisonné; ou que, tout au moins. Descartes avait ressenti de cette inimitié un chagrin, qui aurait été jusqu’à abréger ses jours.

« Ces petits succès, quoique regardez par M. Descartes comme des puérilitez plus propres à l’humilier qu’à l’élever, contribuèrent peut-être à