Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, XII.djvu/185

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ce que nous éprouvons en nous-mêmes de ce genre et sous ces différents noms. Or, selon Descartes, il n’y a point de science ou de philosophie possible, si l’on ne commence par détruire ce préjugé. C’est ce qu’il fait à l’aide d’exemples familiers, empruntés à l’expérience la plus commune ou à la plus simple réflexion. Aux réalités prétendues, qu’on suppose dans les objets, que va-t-il substituer ? Rien que des mouvements, et cela suffit à tout expliquer.

Il s’attaque ensuite à l’erreur des philosophes, laquelle est toute semblable à cette erreur du vulgaire ; au fond, c’est exactement la même. Les « qualités réelles », les « formes substantielles », etc., ne sont que des sentiments (ou sensations) que nous avons en nous, et que nous transportons au dehors, et réalisons de notre propre autorité dans les choses. La philosophie scolastique n’est qu’une traduction, en langage pédantesque, de croyances erronées, dont elle doit par conséquent partager le sort. Et Descartes prend l’exemple du feu : imaginez dans ce feu une forme, une qualité, une action, et expliquez avec cela, si vous pouvez, qu’il consume du bois, qu’il échauffe, qu’il brûle[1] ? Au contraire, n’y mettez rien de tout cela ; mais supposez, dans ce même feu, des particules de matière qui se meuvent en différents sens et avec des vitesses différentes, et vous avez une explication. De même pour la dureté et la liquidité, qu’on attribue vainement, comme des qualités réelles, aux objets durs et liquides : l’état de ceux-ci s’explique fort bien par la facilité ou la difficulté avec laquelle leurs particules demeurent jointes, ou glissent les unes sur les autres, suivant leur forme et la vitesse de leur mouvement.

Toutefois, et c’est la suite naturelle de l’introduction, après avoir ainsi renversé, Descartes prépare de quoi reconstruire. Les philosophes, en général, n’admettaient point le vide, pour des raisons philosophiques. Descartes pense là-dessus comme eux; mais il invoque surtout des expériences, et comme tou-

  1. Tome XI, p. 7, l. 13, à p. 8, l. 3.