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Princesse Elisabeth. 417

la famille, de ce tout déjà beaucoup plus grand qui est l'État, et de ce tout plus grand encore qui est la société humaine tout entière. De ces quatre vérités, les deux premières, Dieu et Tâme, sont d'ordre métaphysique : elles font l'objet des Méditations, et de la première partie des Principes. Les deux autres appartiennent plutôt à la physique, au sens large du mot ; on les qualifierait aujourd'hui de vérités positives. C'est à elles sans doute que Descartes pensait, lorsqu'il décla- rait en confidence à son ami Chanut, que la physique « lui » avait grandement servi pour établir des fondements certains » en la morale" »; et pour plus de précision, il indiquait à Elisabeth justement le passage des Principes relatif à la gran- deur de l'univers . Si le monde est infini, l'homme peut bien encore, au moins partiellement, en prendre possession par la pensée, et jouir de l'extension ainsi donnée à son être; mais il ne peut plus rapporter T'univers à lui, se croire le centre de tout, sous peine d'ériger en loi de la nature un égoïsme vrai- ment monstrueux. D'autre part, cependant, \\ n'est pas isolé ni perdu dans cette infinité, puisqu'il se trouve engagé, comme partie d'un tout, dans ces sociétés où l'on s'élève, comme par degrés, de la famille à l'État, puis au genre humain, et qu'il ne peut être heureux qu'en s'intéressant au bonheur de toutes, et en y travaillant lui-même. Cette dernière maxime, qui assigne à chacun sa place dans le monde, et en même temps sa tâche ou sa fonction, son office ou son devoir, est préparée par la précédente et la complète. A ce prétendu roi de la création, qui se regardait volontiers comme la cause finale de tout l'univers, comme la fin prin- cipale sinon unique qu'avait en vue la divinité elle-même, il fallait d'abord rappeler sa condition véritable, infime, infinité- simale, si l'on ose dire, un simple trait, un point, dira Pascal % dans l'ample sein de la nature, avant de lui tracer autour

a. Tome IV, p. 441, 1. 24-27 : lettre du i5 juin 1646.

b. Ibid., p. 292, 1. 14-16.

c. Pensées, X. I, p. 72-73. (Édit.Brunschvicg, Paris, Hachette, 1904, in-8.)

Vie de Descartes. 53

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