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442 Vie de Descartes.

qu'ils firent, bien que fort prudentes et plutôt évasives, n'étaient point cependant pour le décourager. Un moment, notre philosophe crut toucher au but qu'il s'était toujours proposé : à savoir d'assurer à sa doctrine l'active et efficace propagande d'un grand ordre, voué à l'enseignement, comme était celui des Jésuites.

Ceux-ci toutefois n'entendaient point se départir d'une cer- taine réserve, et c'est peut-être pour ne l'avoir pas compris, qu'un des leurs, le P. Mesland, qui avait montré en faveur de Descartes trop de zèle, fut envoyé comme missionnaire en Amérique, sans qu'on lui laissât l'espoir de revenir. Non seu- lement il avait mis les Méditations en forme de thèses propres à être enseignées, travail devenu inutile d'ailleurs après que Descartes eût publié les Principes ; mais surtout il avait reçu les confidences du philosophe au sujet de l'Eucharistie.

Déjà celui-ci, dans sa Réponse aux Objections d'Arnauld, avait touché à cette épineuse question. La Scolastique expli- quait à sa manière ce qui était un article de foi pour les catho- liques : le pain et le vin changés au corps et au sang de Jésus- Christ. Descartes devait donc fournir aussi une explication, sous peine de laisser dans sa philosophie une lacune regret- table, qui l'empêcherait d'être reçue par les théologiens. Théoriquement, une doctrine qui prétendait se faire admettre dans les écoles, n'avait pas le droit de rester muette sur cette question capitale. Pratiquement, la question de l'Eucharistie était celle qui divisait le plus protestants et catholiques : n'en point parler, n'était-ce pas se rendre suspect, surtout quand on s'était retiré, comme Descartes, parmi les huguenots, et donner raison à ceux qui lui reprochaient le choix d'un pays tel que la Hollande ? Enfin le Saint-Sacrement était le nom d'une Compagnie, à laquelle s'étaient affiliés nombre de catho-

a. « l'ay leu auec beaucoup d'émotion l'adieu ■pour iamais... », lui répond Descartes dans une lettre de 1645 ou 1646. Voir t. IV, p. 345, et surtout, p. 669. Le P. l^enis Mesland, en etîei, ne revint jamais en Europe : il mourut à Santa-Fé, dans la Nouvelle-Grenade, le 18 janvier 1672^0.' -^ •

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