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Séjour a EniviOND. 47 c

lui-même avait fait comme ces bons mariniers qui prévoient la tempête, lui disait Brasset : prudemment il était revenu dans son refuge d'Egmond, à l'abri de tout péril ^ Néanmoins, et c'est ce qu'il est intéressant de retenir, on ne saurait s'en prendre au pouvoir royal, si notre philosophe a jugé bon de se retirer hors du royaume ; et on ne saurait s'en prendre non plus à Descartes, qui n'eût pas demandé mieux que de passer en France le reste de sa vie. Ce fut seulement la faute des circonstances qui ne le permirent point; et on ne voit pas à qui pourrait s'adresser personnellement le reproche qui semble contenu dans la phrase de La Bruyère : a Descartes, né Français, et mort en >> Suède... »

Où pouvait-il être mieux, en attendant, que dans son « ermi- » tage » d'Egmond, pour continuer ses expériences, consigner

a. Tome V, p. 297, I. i-5. La citation de Brasset : in fecejju longo, est tirée de Virgile, y^n., I, iSg.

b. Voici quelques détails sur le régime qu'il y suivait :

« Monfieur Defcartes n'étoit ni délicat ni difficile fur le choix des nour- » ritures, & il avoil accoutumé fon goût à tout ce qui n'eft pas nuifible à » la fanté du corps. Sa diète ne confiftoit pas à manger rarement, mais » à difcerner la qualité des viandes. Il eftimoit qu'il étoit toujours bon » de donner une occupation continuelle à l'eftomac & aux vifceres » comme on fait aux meules ; mais il falloit, félon luy, que ce fût avec » des chofes qui donnaflent peu de nourriture, telles que font les racines » & les fruits qu'il recommandoit comme beaucoup plus propres à pro- » longer la vie de l'homme, que la chair des animaux. [En marge : Lettre » MS. d'Adrien Auzout, Mém. de Clerfelier& de Picot]. Auffî avoit-ilfoin » de faire toujours fervir fur fa table des légumes & des herbes en tout » têms, comme des navets, des bêtes-raves, des panets, des falades de » fon jardin, des pommes avec du gros pain, furtout lorfqu'il étoit feul ou » avec des amis de fon caractère. L'abbé Picot, qui étoit de ce nombre, l'ayant voulu accompagner à ſon retour de France en Hollande l'an 1647, vécut avec luy de cette ſorte durant trois mois danſ ſa ſolitude d'Egmond ; & il en fut ſi content, qu'à ſon retour en France, [en marge : » Auz. ibidem] il renonça ſérieuſement à la grande chère, dont il n'avoit pas été ennemi juſqu'alors, & voulut ſe réduire à l'inſtitut de M. Deſcartes, croyant que ce ſeroit l'unique moyen de faire réüſſir le ſecret » qu'il prétendoit avoir été trouvé par nôtre Philofophe, pour faire vivre les hommes quatre ou cinq cens ans. Ce régime d'Anachoréte n'étoit