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524 Vie de Descartes.

fois, lui a réussi : cette difficulté qu'on ne voit que sur un point, se retrouve partout, et prend un autre caractère, étant ainsi multipliée. Ou mieux encore, il retourne la question contre ceux qui la posent, et les met en demeure d'y répondre eux-mêmes : c'était transporter la guerre dans le camp ennemi. La fin de la création n'est pas seulement l'homme en général, mais, selon les théologiens, tel ou tel homme, mais chacun de nous en particulier ; c'est, en effet, pour chacun que le Christ a versé son sang, aussi bien que pour tous. Qui oserait dire, en outre, que Dieu, en créant le monde, n'a pas eu pour fin d'autres êtres que l'homme, par exemple les anges ? Descartes renvoie ainsi Christine aux théologiens : n'est-ce-pas à eux d'expliquer cette difficulté, puisque ce sont eux qui la soulèvent ? Mais qu'ils veuillent bien la considérer dans toute son étendue, et on peut presque dire aussi dans son infinité. A ces considérations théologiques, le philosophe ajoute cependant un trait, le der- nier, qu'il emprunte à la science, et qui est destiné à frapper l'esprit fortement : c'est l'étendue attribuée désormais à la Terre par tous les astronomes. La Terre n'est-elle pas plus petite, au regard de tout le Ciel, « que n'est un grain de sable » au regard d'une montagne * » ?

La reine fut-elle persuadée? Il est probable que non. Elle était luthérienne, et s'en souvenait à l'occasion. C'est elle qui, estimant Anne d'Autriche heureuse de régner sur la France, ajoutait seulement que ce serait le bonheur parfait, si un aussi beau royaume était de la véritable religion. Au reste, l'unique objet de Chanut, avec les lettres de Descartes, était de procurer à Christine un amusement. Il excellait dans son rôle de diplomate-courtisan. En voyage, la reine le faisait

a. Tome V, p. 56, 1. 14-22.

b. Lettre de Chanut au comte de Brienne, le 11 janv. 1648, rapportant ce mot de Christine : « . . .J'aime, dit-elle, la Reine voftre Maiftrefle auec » tant de palTion, & je reuere tant fa vertu, que je dis fouuent auec deplai- » fir, qu'il ne manque rien à la perfedion de fon bonheur, finon qu'elle » gouuerne vn Royaume qui n'a pas la véritable religion. » {Bibl. Nat., MS. fr. 17964, p 3i.)

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