Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, XII.djvu/70

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certain Porlier, qui avait pour oncle Chanut ; celui-ci, plus tard intime ami de Descartes, recevra de lui bien des confidences ; il se peut qu’on lui ait conté une histoire de ce genre, et qu’il l’ait redite à son neveu. Mais à quelle date faut-il la placer ? Et ne serait-ce point Baillet, qui au lieu de l’identifier avec le fait réel de 1627 environ, l’aurait rejetée si loin en arrière, afin d’avoir quelque chose à dire sur le premier séjour de Descartes à Paris ?

Ce séjour même est si peu vraisemblable, que l’honnête

    & de renoncer même à ſes compagnies ordinaires, pour ſe remettre à l’étude qu’il avoit abandonnée. Il choiſit le lieu de ſa retraite dans le fauxbourg Saint-Germain, où il loüa une maiſon écartée du bruit, & s’y renferma avec un ou deux domeſtiques ſeulement, ſans en avertir ſes amis, ni ſes parens. » [En marge : Relat. MS. de M. Porlier.] (Baillet, t. I, p. 37-38.)

    « …M. Deſcartes avoit eu la prudence, au commencement de ſa retraite, de ſe précautionner contre les hazards de la rencontre, pour ne pas tomber entre les mains de ces Amis fâcheux qu’il vouloit éviter, toutes les fois qu’il étoit obligé de ſortir pour ſes beſoins. La choſe ne luy réüſſit point mal pendant l’eſpace de deux années. Mais il ſe repoſa dans la ſuite avec un peu trop d’aſſurance ſur le bonheur de ſa ſolitude, & ne veillant plus ſur ſa route & ſes détours avec la même précaution qu’auparavant, lorſqu’il alloit dans les ruës, il fut rencontré par un de ſes anciens amis qui ne voulut pas le quitter, qu’il ne luy eût découvert ſa demeure. [En marge : Rél. de Porl., etc.] Il en coûta la liberté, pour ne rien dire de plus, à M. Deſcartes. L’ami fit ſi bien, par ſes viſites réitérées & par ſes importunitez, qu’il vint à bout de troubler prémiérement ſa retraite & ſon repos, & de le déterrer en ſuite tout de bon de ſa chére ſolitude pour le remener dans le monde, & le replonger dans les occaſions de divertiſſement comme auparavant. »

    « Mais il s’apperçut bientôt qu’il avoit changé de goût pour les plaiſirs. Les jeux & les promenades n’avoient plus pour luy les mêmes attraits qu’auparavant ; & les enchantemens des voluptez ne purent agir en luy que trés-foiblement contre les charmes de la Philoſophie & des Mathématiques, dont ces amis de joie ne purent le délivrer. Ils luy firent paſſer les fêtes de Noël, & le commencement de l’année ſuivante [en marge : 1617] juſqu’aux jours gras, le moins triſtement qu’il leur fut poſſible. Mais ils ne purent luy faire ſentir d’autres douceurs que celles de la Muſique, aux concerts de laquelle il ne pouvoit être inſenſible avec la connoiſſance qu’il avoit des Mathématiques. » (Ibid., t. I, p. 38-39.)