Page:Descartes - Discours de la méthode, éd. 1637.djvu/24

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Le premier eſtoit de ne receuoir iamais aucune choſe pour vraye que ie ne la connuſſe euidemment eſtre telle : c’eſt à dire, d’euiter ſoigneuſement la Precipitation, & la Preuention, & de ne comprendre rien de plus en mes iugemens, que ce qui ſe preſenteroit ſi clairement & ſi diſtinctement a mon eſprit, que ie n’euſſe aucune occaſion de le mettre en doute.

Le ſecond, de diuiſer chaſcune des difficultez que i’examinerois en autant de parcelles qu’il ſe pourroit, & qu’il ſeroit requis pour les mieux reſoudre.

Le troiſieſme de conduire par ordre mes penſées, en commenceant par les obiets les plus ſimples, & les plus ayſez a connoiſtre, pour monter peu a peu comme par degrez iuſques a la connoiſſance des plus compoſez. Et ſuppoſant meſme de l’ordre entre ceux qui ne ſe precedent point naturellement les vns les autres.

Et le dernier de faire partout des denombremens ſi entiers, & des reueuës ſi generales, que ie fuſſe aſſuré de ne rien omettre.

Ces longues chaiſnes de raiſons toutes ſimples & faciles, dont les Geometres ont couſtume de ſe ſeruir, pour paruenir a leurs plus difficiles demonſtrations, m’auoient donné occaſion de m’imaginer, que toutes les choſes qui peuuent tomber ſous la connoiſſance des hommes s’entreſuiuent en meſme façon, & que pourvû ſeulement qu’on s’abſtiene d’en reçeuoir aucune pour vraye qui ne le ſoit, & qu’on garde touſiours l’ordre qu’il faut pour les deduire les vnes des autres, il n’y en peut auoir de ſi eſloignées auſquelles enfin on ne paruiene, ny de ſi cachées qu’on ne découure. Et ie ne fus pas beaucoup en peine