Page:Deschamps, Émile - Œuvres complètes, t4, 1873.djvu/113

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ACADÉMIE FRANÇAISE. 103 Quoi! de vos pavillons, au meurtre, au sacrilège, Les lois prostitueraient l’auguste privilège! Ah! frappez : la patrie étoufTera ses pleurs; Le sang, de leur bannière effaça les couleurs. Liguez-vous ; sur les flots prêtez-vous le tonnerre. Quelle uni^n plus sainte au trône de la terra Peut du trùne céleste attirer les bienfaits? Que l’Afrique, par vous ravie à leurs furfjits. Puisse adoucir ses mœurs, repeupler son rivage, Et du bandeau des arts ceindre son front sauvage. Je regrette pour l’art que M. Chauvet n’ait pas médité plus profondément la conception de son ouvrage. Il me semble qu’il y avaitdans ce sujet des tableaux immenses et de terribles leçons. Le poëte ne pouvait-il pas com- mencer par une peinture des massacres de Saint- Domingue, mettre au grand jour toute la férocité des noirs déchaînés, faire pleurer sur les désastres sans exemple et sans bornes de nos infortunés colons, et de là, s’élancant par la pensée à trois siècles en arrière, interpeler avec indignation les premiers auteurs de tant de maux, les premiers hommes qui, sur les côtes du Sénégal, ont trafiqué de la vie des hommes, et leur crier ; Voilà votre ouvrage ! vous avez porté le meurtre, la servitude et la corruption chez d’innocents sauvages, et leurs enfants, aussi barbares que vous, rendront à vos fils innocents meurtres pour meurtres et pillage pour pillage! Ne pouvait-on, au milieu de ces scènes d’horreur, jeter épisodiquement quelque vieux nègre qui sauve épisodiquement la pudeur de sa jeune mai- * tresse, et le tableau du bon maître gardé par l’amour de ses esclaves? Pourquoi n’aurait-on pas détourné un regard sur les chrétiens emmenés en captivité dans Alger comme pour y expier l’esclavage imposé par d’autres chrétiens à d’autres Africains? Un dialogue entre un blanc racheté et un nègre affranchi aurait-il été si dépourvu d’intérêt? Mais tous les ouvrages envoyés au concours pèchent essentiellement par la composition. Quelques fragments des poèmes mentionnés ont cependant été accueillis par l’assemblée avec les témoignages d’un vrai plaisir. On