Page:Deschamps, Émile - Œuvres complètes, t5, 1874.djvu/195

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ROMÉO 1;T JULIETTE. 1S7 Près d’ici. L’autre soir, (.levant son seuil ouvert, Je l’ai vu, de liaillons son corps était couvert, Sous des sourcils épais un œil farouche el cavel II triait lentement des herbes; un front iiave, Un visage avalé, pour jambes deux fuseaux; La faim, après sa chair, rongeait déjà ses os. Au plafond enfumé de sa boutique informe Et déserte, pendaient une tortue énorme, Avec un crocodile empaillé; d’autres peaux De poissons inconnus et quelques vieux lambeaux. Tout autour une lampe, aux longs rayons livides, Éclairait des tiroirs étiquetés et vides; Pour montre un pain de rose, ébréché par un bout. Quelque graine, un bocal d’eau verte; voilà tout! Et je me dis, voyant sa profonde misère : « S’il fallait du poison, certes, ce pauvre hère Au premier acheteur en vendrait aisément. » (Au besoin que j’en ai fatal pressentiment!) Il faut que sans tarder, le malheureux m’en vende. Montraiit une maison. Voici sa porte; allons faisons notre demande. U lire sa bourse. Et soutenons-la bien. — Ah! c’est fête aujourd’hui! Sa boutique est fermée. n frappe. Hé! holà! quelqu’un!... L’APOTIIICAIUE, paraissant. Oui! Oui! laissez donc le temps d’arriver — sans reproche. Vous appelez d’un ton un peu rude. ROMÉO. Homme, approche- Nous avons à causer. — Tu parais pauvre, tiens ! Ces quarante ducats, bien comptés, sont les tiens. Donne-moi d’un poison; mais semblable à la foudre. Et qui chasse une vie au loin, comme la poudre Qui, soudain, prenant feu par un point enflammé S’échappe et sort des flancs du bronze inanimé!