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Soyez reine d’un bal ; c’est bien, j’applaudirai
Ainsi que la douleur, le plaisir est sacré ;
Mais qu’il soit, à travers les devoirs et l’étude,
Une distraction, et non une habitude. —
Malheur à vous, heureux du siècle, je vous plains !
Une fête vous prend d’une orgie encor pleins ;
Le reflux du rout vous berce et vous emporte ;
Mais avec votre groom, le spleen est à la porte.
Quand le feu d’artifice est tiré, ce n’est plus
Qu’un échafaud, squelette aux bras noirs, vermoulus,
Qui devant nous se dresse horrible, et dont la tête
Se détache plus sombre aux lampions de la fête !


Et puis, qui sait ? Votre ange, enfant, vous garde-t-il
Paris avec ses bals, ou l’ombre d’un exil ?
Qui sait cela ? — Comment serez-vous adorée ?
Sur la verte pelouse, ou la moire dorée ?
Belle en manteau de cour, ou belle en blanc corset,
Vous dirai-je : Princesse, ou Louise ? — Qui sait ?
Peut-être que le ciel, ainsi qu’à votre père,
(Qui ne fait dans ses bois qu’une halte, j’espère),
Vous prépare un destin orageux, des combats
D’où l’on ne sort plus grand que pour tomber plus bas ;
Mais pour cueillir plus tard des palmes peu communes,
Si l’on a, comme lui, porté ses deux fortunes.
Savons-nous rien ? sinon que tout est incertain ;
Armez-vous de douceur et de force au matin
Pour tout le jour ; c’est être heureux que d’être sage.
Que voulez-vous ? la vie est comme un paysage
Qui fuit, se transformant à l’œil du voyageur ;
C’est la lune. — Tantôt, dans sa pleine largeur,