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CH. iv, DESCRIPTION D’OMBOS

remarquable, est la montagne appelée Gebel Abou-cheger, ou Montagne des tempêtes, et qui forme dans le Nil un cap avancé. Un violent ouragan nous y avait fait relâcher, lorsque nous remontions le fleuve. À cinq heures du soir[1], le ciel, jusque-là très-serein, se remplit de nuages en un instant. Un vent d’est, poussant devant lui des trombes de sable et de poussière, vint frapper tout d’un coup dans nos voiles avec une grande impétuosité. Chacun de nous eut la respiration coupée, et ressentit une chaleur cuisante, comme celle qu’on éprouve à la bouche d’une fournaise. Le Rays ou pilote avait aperçu le grain ; mais les matelots ne purent carguer la voile à temps ; elle fut déchirée d’un bout à l’autre : la germe s’inclina si fort, qu’elle était sur le point de chavirer. Les vagues s’élevaient de deux et trois pieds, comme les flots de la mer. Le tonnerre grondait fortement, et retentissait d'une montagne à l’autre, comme sur un timbre sonore. C’est de la mer Rouge que venaient les éclairs ; l’atmosphère était d’un rouge de feu, entrecoupé de taches noires. Livrés au désespoir, le rays et ses matelots poussaient des cris effroyables. Enfin, pendant qu’on faisait de vains efforts pour tenir le Nil, notre germe fut poussée par l’orage au pied de Gebel Abou-cheger.

Arrivés, sans autre accident, dans cette espèce de port, nous ne songeâmes plus qu’à observer le site affreux, mais pittoresque, où nous étions jetés : un seul arbre se remarquait aux alentours, c'était un boum à quatre bifurcations. Le rocher était à pic sur le fleuve.

  1. C'était le 10 septembre 1799.