Page:Desjardins - Esquisses et Impressions, 1889.djvu/96

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cours d’aujourd’hui, la tirade sur « les noires années du moyen âge, années d’abominable barbarie », et la critique presque inintelligente du Torquemada de Victor Hugo, où la seule idée originale de ce drame manqué est méconnue et remplacée par un lieu commun chétif. Je ne m’étonne ni ne m’irrite de cette étroitesse de jugement : d’abord parce qu’elle est sincère, ensuite parce qu’elle est intéressante, enfin parce qu’elle prouve seulement que M. Leconte de Lisle a connu le christianisme trop tard, à l’âge de la logique, quand l’âge de la sensibilité était passé.

La haine des religions n’est pas à elle seule un système de philosophie. Elle n’en est, pour M. Leconte de Lisle, que la première assise. Le couronnement, c’est le nihilisme universel (car je nose pas dire le panthéisme, quoique le bon sens le veuille) avec l’idéalisme le plus pur :


Et vous, joyeux soleils des naïves années,
Vous, éclatantes nuits de l’infini béant.
Qui versiez votre gloire aux mers illuminées,
L’esprit qui vous songea vous entraîne au néant.


Et dans la harangue de l’Académie : « Les choses… n’existent et ne valent que par le cerveau qui les conçoit et par les yeux qui les contemplent. » Cela est, je crois, assez net. Hors de nous, rien n’existe ; ce monde n’est qu’ « apparences vaines ». Toutes les métaphysiques sont des chimères, comme toutes les religions sont des duperies. Dès lors le déisme un peu incohérent et bénin de Victor Hugo paraît dérisoire. « Il se