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HYPOTHÈSES.

qui fait de « Voltaire » un fief, petit ou grand, subsistant ou ayant subsisté dans la famille maternelle de l’auteur de la Henriade ; si encore l’on ne préfère admettre que « Voltaire » soit tout simplement l’anagramme de son nom « Arouet L. J. (le jeune)[1]. »

  1. Lettres Champenoises (1820), t. II, p. 288. L’abbé Nonnotte avait dit avant elles : « Il blâme le pape Martin V, qui étoit de la maison des princes de Cologne, d’avoir changé son beau nom pour celui de Martin. Pour lui il a été bien plus adroit, en changeant son nom bourgeois d’Arouet, pour l’ennoblir à l’aide d’un anagramme et de l’addition de deux lettres, et en faire le nom de Voltaire. » L’abbé Nonnotte, les Erreurs de Voltaire (Lyon, 1770), t. I, p. 198, 199. L’auteur des Souvenirs de la marquise de Créqui, dit que « Veautaire » transformé en « Voltaire » était une petite ferme située dans la paroisse d’Asnières-sur-Oise, à dix lieues de Paris, d’un revenu de deux cents livres. Il ajoute que le poëte en avait hérité d’un sien cousin appelé Gromichel. Nous avons serré cette famille d’assez près pour pouvoir assurer que ce personnage est de pure invention et n’a jamais existé que dans l’imagination de ce fabricateur de Souvenirs. Mais, puisque les hypothèses les moins sérieuses ont trouvé place ici, c’est le lieu de signaler une singularité qui a bien sa curiosité. Il existe une tragédie de la moitié du dix-septième siècle, intitulée Balde, reine des Sarmates. Le personnage le plus important s’appelle « Voltare. » Ce Voltare, placé à peu de choses près dans la situation d’OEdipe, ne trouve d’autre soulagement que le blasphème ; il s’emporte contre les dieux, et parle d’acheter à prix d’or les oracles de leurs prêtres. Ce qui est à remarquer, c’est que Balde est dédiée au président de Maisons, le grand père de l’ami de Voltaire. Qui sait si l’auteur de la Henriade, en quête d’un nom, n’a pas trouvé plaisant d’emprunter le sien à ce hardi blasphémateur ? « Voltare » était dur à l’oreille : le poête en aurait fait « Voltaire. » Jobert, Balde, reine des Sarmates, tragédie en cinq actes et en vers (Paris, Augustin Courbe, 1651), p. 92, 96, 97. — Catalogue de la Bibliothèque de Soleinne (Paris, 1843), t. I, p. 285.