Page:Desnoiresterres - La jeunesse de Voltaire.djvu/31

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
13
AROUET NOTAIRE DE BOILEAU.

était le plus ennuyeux mortel qu’il eût jamais vu, et l’homme qui avait la conversation la plus basse[1]. » On sait que l’auteur de Cinna n’était pas éloquent, il ne l’ignorait point, et en convenait avec une rare candeur. Boileau, lui aussi, se trouvait parfois mêlé à la société du notaire, qui travaillait en 1683, de compte à demi avec son confrère Leclerc, au testament du poëte[2] et chez lequel il rencontrait l’abbé de Chateauneuf dont il recevait souvent la visite à Auteuil[3]. Le petit Arouet s’était fait remarquer, dès la première heure, par la vivacité, la pétulance de l’esprit, et l’on se divertissait fort à le mettre aux prises avec son frère Armand qui, quoique plus engourdi, n’était point un sot. Il était à bonne école. Dès l’âge de trois ans, l’abbé de Chateauneuf commençait son éducation en lui apprenant par cœur la Moïsade, dont on a voulu charger la mémoire de Rousseau[4]. Comme chez tous les enfants intelligents, avec lui les questions ne tarissaient point, et l’on n’avait pas plus tôt satisfait à l’une, qu’il fallait répondre à l’autre. Despréaux, dont l’âge n’avait pas adouci l’humeur, fatigué de ses importunités l’eût, nous dit-on, rudoyé un jour de manière à le rendre plus discret dans la suite[5]. C’est là une fable comme beaucoup d’autres. La façon même

  1. Voltaire, Œuvres complètes (Beuchot), t. LIX, p. 624. Lettre de Voltaire à l’abbé d’Olivet ; septembre 1761.
  2. Boileau Despréaux, Œuvres complètes (Saint-Surin), t. I, p. xciv.
  3. Ibid., t. IV, p. 558.
  4. Duvernet, la Vie de Voltaire (Genève, 1786, p. 11. La Moïsade est, en réalité, de Lourdet. Jugements sur quelques ouvrages nouveaux, t. I, p, 273.
  5. Luchet, Histoire littéraire de Voltaire (Cassel, 1781), t. II, p. 295, 296.