Page:Desnoiresterres - La jeunesse de Voltaire.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
22
CAMARADES DE LOUIS-LE-GRAND

rade[1], » dit de lui : « Voltaire, que j’ai toujours fréquenté depuis le temps que nous avons été ensemble au collège[2] ; » et cette intimité était si bien avérée que, dans une sortie contre l’aîné, le cardinal de Fleury s’écriait : « Enfin, pour tout dire, c’est le digne ami de Voltaire, et Voltaire son digne ami[3]. » Quoique moins dans la familiarité du cadet, le poëte avait conservé d’étroites relations avec ce dernier, dont il fut même l’agent politique un moment (1743-1747), comme cela ressort d’une de ses lettres : « On m’a empaqueté pour Commerci, et j’y suis agonisant comme à Paris. M’y voici avec le regret d’être éloigné de vous, sans avoir pu profiter de votre commerce délicieux et des bontés que vous avez pour moi. Laissez-moi toujours, je vous prie, l’espérance de passer les dernières années de ma vie dans votre société. Il faut finir ses jours comme on les a commencés. Il y a tantôt quarante-cinq ans que je compte parmi vos attachés. Il ne faut pas se séparer pour rien[4]. » Et, plus tard encore à Postdam : « Qui eût dit, lui écrivait-il, dans le temps où nous étions ensemble dans l’allée noire, qu’un jour je serais votre historien, et que je le serais de si loin[5] ?» Qu’il se cramponne à deux camarades d’études que le temps a faits ministres l’un et l’autre, cela se conçoit. Mais Voltaire ne fut pas

  1. Voltaire, Œuvres complètes (Beuchot), t. LIII, p. 570, 571. Lettre de Voltaire au marquis d’Argenson ; le 16 avril 1739.
  2. Marquis d’Argenson, Mémoires (Jannet), t. V, p, 139.
  3. Ibid., t. II, p. 216.
  4. Voltaire, Œuvres complètes (Beuchot), t. LV, p. 193. Lettre de Voltaire au comte d’Argenson ; à Commercy, ce 19 juillet 1748.
  5. Marquis d’Argenson, Mémoires (Jannet), t. V, p. 48. Lettre de Voltaire au comte d’Argenson ; à Postdam, 3 octobre 1752.