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NINON MEURT EN 1705.

qu’une peau jaune tirant sur le noir[1]. » Et ailleurs : « Je puis assurer qu’à l’âge de quatre-vingts ans, son visage portait les marques les plus hideuses de la vieillesse ; que son corps en avait toutes les infirmités[2]… »

Il parle d’elle, en tous cas, avec un ton dégagé qui, sans exclure la reconnaissance pour le souvenir aimable de la bonne fille, ne l’indique d’aucune sorte. Si on prenait à la lettre les dates de Voltaire, il n’y aurait qu’à s’inscrire en faux. Il ne peut pas avoir été présenté à Ninon, à l’âge de treize ans, puisqu’alors Ninon dormait depuis deux ans de son dernier sommeil ; mais il put l’avoir été à onze, et bien qu’on nous dise qu’il bégaya ses premiers vers en cinquième, par conséquent en 1706, rien ne prouve qu’il n’ait pas rimé plus tôt. Pour le legs de deux mille francs, force est bien d’en croire Voltaire sur parole. Après tout, son père ne faisait-il pas les affaires de Ninon, n’était-il pas son notaire ? Nous le voyons suivre sa dépouille mortelle à son dernier gîte, et l’acte de décès de la spirituelle fille est signé de lui et du fils de Gourville[3]. Que Ninon ait laissé à son ancien notaire, comme témoignage de sa gratitude, une somme d’argent pour ce bambin qui semblait déjà tant promettre, c’était assez dans son caractère généreux et désintéressé ; et le peu de concordance des dates n’est pas une raison, surtout quand on connaît Voltaire, pour repousser un fait

  1. Voltaire, Œuvres complètes (Beuchot), t. XLIII, p. 387. La Défense de mon Oncle.
  2. Ibid., t. XXVIII, p. 353. Au mot Dictionnaire ; t. XXXIV, p. 196. La Princesse de Babylone.
  3. Archives de la ville, Registre des décès de la paroisse de Saint-Paul, du 17 octobre 1705, p. 53.