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CALOMNIES DE LA BEAUMELLE.

aussitôt vers l’Angleterre pour se soustraire à des poursuites que madame Dunoyer ne lui eût point épargnées, et que rendait sérieuses l’écrit qu’elle avait de lui[1]. Cette histoire, qui avait transpiré, était pourtant mal connue en France, puisque la Beaumelle, dans ses Remarques sur le siècle de Louis XIV, donne Jean Cavalier comme le rival et le rival heureux de M. de Voltaire. « Ils aimèrent l’un et l’autre mademoiselle l’impette, fille de madame Dunoyer, et fille de beaucoup d’esprit et de coquetterie. Ce qui devait arriver arriva : le héros l’emporta sur le poëte ; et la physionomie douce et agréable sur la physionomie égarée et méchante. » Nous avons déjà vu Rousseau parlant de la « mauvaise physionomie » de Voltaire ; voilà la Beaumelle qui renchérit sur le portrait, comme s’ils s’étaient l’un et l’autre donné le mot[2]. Mais il faisait la part belle au poëte qui ne le ménagea pas sur ces erreurs de faits : « L’auteur du Siècle, réplique ce dernier, était alors au collège ; il n’alla en Hollande qu’en 1714, et n’a connu Cavalier qu’en Angleterre, en 1726. Comment la Beaumelle ose-t-il donc, lui qui est actuellement dans Paris, attaquer de telles impostures l’honneur d’une famille de Paris ? Les princes

  1. Madame Dunoyer, Lettres historiques et galantes (Amsterdam. 1720), t. V, p. 232.
  2. Voltaire était maigre, d’un tempérament sec ; l’air spirituel et caustique, les jeux étintelanls et malins. Élie Harel, Voltaire, Particularités curieuses de sa vie et de sa mort (Paris, 1817), p. 15. « Arouet de Voltaire est grand, sec et a l’air d’un satyre… » lisons-nous dans une note de police de l’inspecteur d’Hémery. Delort, Histoire de la Détention des philosophes (1829), t. II, p. 30. Voltaire se dit également « maigre, long, sec et décharné, » dans une lettre au prince de Vendôme, 1716, t. LI, p. 47.